RAWeb : Access42 accompagne le Grand-Duché de Luxembourg à la création du Référentiel d’évaluation de l’Accessibilité Web

Access42 a accompagné le Grand-Duché de Luxembourg pour la création du RAWeb, le Référentiel d’évaluation de l’Accessibilité Web.

Le RAWeb reprend l’intégralité du RGAA français, en ajoutant 30 nouveaux critères ainsi que des tests supplémentaires.

Cela permet aux services publics luxembourgeois de satisfaire à l’intégralité de la norme européenne EN 301 549 (PDF, 2,3 Mo), en tenant compte des domaines que les WCAG et le RGAA ne couvrent pas encore.

Nous avons interviewé Alain Vagner et Dominique Nauroy du Service information et presse (SIP) du Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg afin de revenir sur le contexte et les enjeux de la création de ce nouveau référentiel pour l’accessibilité numérique.

Bonjour Alain et Dominique ! Pourriez-vous présenter votre travail au sein du Service information et presse (SIP) du Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg aujourd’hui, ainsi que le parcours qui vous y a menés ?

Alain Vagner (A.V.) et Dominique Nauroy (D.N.) – Notre équipe s’est d’abord occupée des questions liées à la transparence administrative. C’est en 2020 qu’elle a pris à bras-le-corps la question de l’accessibilité numérique, à la suite de la transcription de la directive sur l’accessibilité web en droit luxembourgeois.

En la matière, notre activité s’articule désormais autour de quatre volets :

  • le contrôle de l’accessibilité numérique des sites et applications du secteur public ;
  • la sensibilisation des parties prenantes et du grand public à l’accessibilité numérique ainsi que la formation des agents du secteur public ;
  • la gestion des réclamations et la médiation entre utilisateurs en situation de handicap et administrations ;
  • le reporting à la Commission européenne sur l’état de l’accessibilité au Luxembourg tous les trois ans. Le prochain rapport est prévu pour la fin de cette année (le précédent est disponible en Open data).

A.V. – Concernant mon parcours, j’ai travaillé comme ingénieur de recherche dans la recherche publique au Luxembourg pendant 12 ans. Je m’y suis spécialisé en Interaction Humain-Machine. J’ai ensuite dirigé l’équipe de développement web au sein d’un groupe de presse luxembourgeois pendant 4 ans puis j’ai intégré le SIP en 2020 pour me concentrer sur un sujet qui me tient à cœur, l’accessibilité numérique.

Mon parcours peut sembler atypique, mais mes expériences passées m’ont donné les compétences nécessaires pour assurer ma mission actuelle, qu’il s’agisse de gestion de projet, de relation avec des prestataires, de la mise en place de notre outillage open source, de la connaissance des problématiques techniques auxquels sont confrontés quotidiennement les développeurs et développeuses web et mobile, etc.

D.N. – Quant à moi, j’ai rejoint l’équipe du SIP il y a un an et demi. J’ai d’abord été développeur web avant de changer d’horizon pour devenir journaliste dans la presse écrite. Mes dernières années, dans la rédaction qui m’employait, m’ont permis de conjuguer ces deux passions en devenant datajournaliste, réaffecté aux éditions web du groupe.

À 46 ans, j’ai eu la chance de pouvoir me reconvertir dans un métier qui a du sens, répond à un besoin authentique au sein de la société et me permet de conjuguer mes précédentes compétences à un champ nouveau, celui de l’expertise en accessibilité numérique. Cela m’a amené, je l’avoue, à porter un regard moins amène sur les productions interactives dont j’avais été précédemment l’instigateur.

J’ai énormément appris, d’abord grâce à Alain, ensuite par le biais d’une série de formations, dont celles que dispense Access42.

Aujourd’hui, mon rôle est multiple : il se centre autour des audits que nous réalisons ou que nous supervisons, mais il comporte également une dimension visant à sensibiliser les administrations publiques luxembourgeoises autour des questions d’accessibilité numérique et animer, sur ces mêmes thèmes, une série d’articles publiés sur notre portail accessibilite.public.lu pour mettre en lumière des cas pratiques, les parcours d’experts du domaine et les expériences de personnes en situation de handicap.

Le RAWeb reprend l’intégralité du RGAA 4 français, auquel 30 nouveaux critères ont été ajoutés. C’est ce qui permet au service public luxembourgeois de tenir compte, sur ses sites web, de l’intégralité de la norme européenne d’accessibilité numérique EN 301 549, y compris dans des contextes de consultation très spécifiques. C’est ce que vous expliquez dans l’article RAWeb, un référentiel qui comprend vraiment tout. Pourriez-vous détailler davantage ces contextes, si possible en donnant des exemples ?

A.V. et D.N – Effectivement, nous avons essayé dans cet article de vulgariser la matière, en donnant cinq ou six exemples concrets, liés notamment à la préservation de l’accessibilité lors de la conversion d’un fichier, à l’identification biométrique, etc.

On peut poursuivre dans ce sens, en citant notamment un des cinq nouveaux critères venus enrichir la thématique Multimédia : il doit être aussi facile d’activer les sous-titres sur une vidéo que de la mettre en pause.

De nouvelles thématiques sont apparues. Ainsi, la documentation des fonctionnalités d’accessibilité (thématique 14) vise par exemple à vérifier que les fonctionnalités d’accessibilité présentes sur un site (mode contraste renforcé, dispositif d’agrandissement des caractères, etc.) sont décrites dans la documentation du site, laquelle peut figurer dans la déclaration d’accessibilité.

Citons de même l’attention portée aux services d’assistance (thématique 16) : sont-ils en mesure de communiquer de manière accessible avec les usagers et de fournir des informations sur les fonctionnalités d’accessibilité ?

Autre cas de figure : vous avez souvent la possibilité d’éditer du contenu sur un forum, un wiki ou de publier un commentaire dans un blog. L’outil d’édition doit guider l’usager vers la production de contenus accessibles. C’est l’objet de cette thématique 15, dans laquelle les CMS permettant d’administrer un site sont hors scope.

Enfin, des nouveaux critères s’intéressent à la communication en temps réel (thématique 17). Prenons l’exemple de plateformes grand public de visioconférence : la qualité du son doit y être suffisante pour une bonne compréhension orale, une communication écrite en temps réelle doit être possible en parallèle de l’oral, etc.

Le SIP est maintenant rôdé à l’élaboration de référentiels d’accessibilité numérique. Quelle méthodologie avez-vous adoptée pour définir et valider les 30 nouveaux critères avec lesquels le RAWeb renforce ceux du RGAA ?

A.V. et D.N – En réalité, nous ne sommes pas partis de rien. Le premier référentiel que nous avons proposé était le RGAA, tel que produit par la DINUM en France, avec quelques adaptations mineures pour coller à la loi luxembourgeoise.

Mais dès 2021, nous avons élaboré, avec le soutien d’Access42, un référentiel d’évaluation de l’accessibilité des applications mobiles (RAAM). Ce dernier tient déjà compte de l’ensemble des critères de la norme européenne. Aussi, une partie du travail était prête lorsqu’il s’est agi de mettre en chantier le RAWeb pour proposer un référentiel web couvrant, lui aussi, l’intégralité de la norme européenne.

Avant de nous lancer dans ce nouveau référentiel, nous avions réalisé un proof of concept en interne : il s’agissait d’évaluer la difficulté d’adaptation des nouvelles thématiques du RAAM dans une sorte d’extension au RGAA.

Si le travail sur les critères et le glossaire nous a dans un premier temps semblé faisable, le diable est dans les détails et la méthodologie de test entre le web et le mobile est clairement différente. Nous avions donc besoin d’une expertise externe : nous avons travaillé avec Audrey Maniez d’Access42 pendant tout le processus.

Ce travail a consisté à pointer, l’un après l’autre, les critères de la norme, adapter ceux qui avaient déjà été transcrits pour le RAAM dans le cadre de l’évaluation d’une application mobile, et traduire ceux qui ne l’étaient pas encore dans le cadre de l’évaluation d’un site web.

Pour entrer davantage dans le détail, nous avions quatre impératifs :

  • couvrir l’ensemble de la norme européenne EN 302 549 v 3.2.1, en vigueur depuis la parution en 2021 de la décision d’exécution 2021/1339, notamment l’ensemble des critères de la table A.1 ;
  • assurer une compatibilité maximale avec le RGAA et une cohérence avec nos autres référentiels, le RAAM et le RAPDF ;
  • rester compatible avec la structure de fichiers du RGAA afin de rendre disponible les travaux réalisés à la communauté qui utilise déjà le RGAA ;
  • publier les fichiers en open source.

Le travail a démarré par une « gap analysis » entre le RGAA et la norme européenne qui a abouti à un tableau de correspondance permettant de déterminer les critères non couverts.

Les quatre nouvelles thématiques proviennent du RAAM (« Documentation des fonctionnalités d’accessibilité », « Outils d’édition », « Services d’assistance », « Communication en temps réel »).
Le format des métadonnées des fichiers Markdown du RGAA a été étendu pour accepter des informations détaillées relatives aux critères de la norme européenne.

La majeure partie du travail a consisté à définir les nouveaux critères et éléments du glossaire. Audrey Maniez nous a fait des propositions que nous avons discutées et validées. Certains critères nous ont demandé un travail bibliographique.

Les contenus annexes – méthodologie et environnement de test, etc. – ont été mis à jour et validés. Enfin, les notes de révision ont repris l’ensemble des évolutions notables du référentiel par rapport au RGAA.

Durant la phase de test, nous avons intégré les retours d’experts accessibilité au Luxembourg. A suivi une phase de relecture tant sur le fond que sur la forme, l’intégration dans notre site web et une présentation, notamment par cet article.

Cette méthodologie a-t-elle présenté des spécificités par rapport à l’élaboration du RAAM et du RAPDF ? Si oui, lesquelles ?

A.V. et D.N – Oui. Les deux référentiels que vous évoquez… en quelque sorte nous partions d’une page blanche. Dans le cadre du RAWeb, il s’agissait d’élaborer un document parfaitement cohérent sur une base hybride.

En effet, nous avons choisi de garder les 106 critères RGAA, sans toucher à leur intégrité, de telle sorte que de prochaines évolutions du référentiel français, qui demeure le pilier central, pourront être intégrées dans le RAWeb.

Les trente autres critères se retrouvent pour l’essentiel dans quatre nouvelles thématiques développées à la fin du référentiel. Quelques autres critères ont été ajoutés à la fin des thèmes « Multimédia » et « Consultation ». Nous avons donc dû prêter attention à ne pas créer d’incohérence entre les critères existants et les nouveaux critères.

Tout ce qui a été ajouté est documenté sur notre page « Notes de révision ». Nous proposons par ailleurs à l’utilisateur de filtrer (affichage des critères WCAG uniquement, sur lesquels le RGAA est basé, ou de l’ensemble de la norme).

Nous mettons actuellement la dernière main à une présentation visuelle plus claire et aérée, qui permettra de mieux mettre en évidence les nouveaux critères.

Access42 a accompagné le Grand-Duché de Luxembourg pendant l’élaboration de ses trois référentiels d’accessibilité numérique : le RAAM en 2021, le RAPDF en 2023, et le RAWeb en 2024. En quoi a consisté cet accompagnement pour le RAWeb ?

A.V. et D.N – L’accompagnement proposé a offert une palette très large, de l’analyse à la relecture, en passant par la recherche bibliographique, la réalisation de tests et, bien entendu, l’écriture des nouveaux contenus.

Si la DINUM (Direction interministérielle du numérique, rattachée au Premier Ministre en France) met à jour le RGAA pour inclure de nouveaux critères permettant de couvrir la norme européenne EN 301 549, le Grand-Duché conservera-t-il le RAWeb ?

A.V. et D.N – Le RAWeb est un projet open source dérivé du RGAA. Lorsque la DINUM fera évoluer le RGAA, nous intégrerons les modifications apportées par chaque nouvelle version du RGAA dans le RAWeb dans la mesure du possible.

L’open source est au cœur de notre approche : tous les outils et référentiels que nous développons dans le cadre de notre mission sont disponibles sous cette forme. Nous avons d’ailleurs opéré quelques améliorations mineures dans le cadre du projet RAWeb, que nous avons proposé pour intégration au niveau du dépôt du RGAA.

Nous souhaitons par là même contribuer à l’écosystème open source de l’accessibilité numérique et nous restons évidemment à l’écoute de tout acteur qui serait intéressé par la réutilisation du travail réalisé dans le cadre du RAWeb dans tout projet open source.

Comment le SIP sensibilise-t-il le service public luxembourgeois aux référentiels d’accessibilité numérique qu’il édite ?

A.V. et D.N – Nous en avons fait la promotion sur notre portail, sur les réseaux sociaux mais également de manière plus directe avec l’ensemble des professionnels avec lesquels nous entretenons des liens réguliers, au premier rang desquels le Centre des technologies de l’information de l’État (CTIE), qui gère un large catalogue de sites publics et réalise chaque année de nombreux audits. Ces acteurs ont été directement impliqués lors de la phase de test.

Mais surtout, nous faisons évoluer nos formations que nous dispensons tout au long de l’année aux agents de la fonction publique luxembourgeoise, par le biais de cours en ligne. Il s’agit de cours d’initiation aux problématiques liées à l’accessibilité numérique et, dans ce cadre, nous évoquons les référentiels qui servent de base aux évaluations des sites et applications du service public.

L’évolution des référentiels d’accessibilité est stratégique pour que les nouveaux moyens d’information et de communication restent accessibles au fur et à mesure des évolutions technologiques. Comment le SIP veille-t-il à l’évolution technique du RAAM, du RAPDF et du RAWeb ?

A.V. et D.N – Nous faisons partie intégrante de différents comités normatifs européens ou internationaux, en particulier le comité CEN/CENELEC/ETSI JTB eAccessibility, chargé de faire évoluer la norme européenne, qui doit produire une nouvelle version de cette norme en 2026 pour répondre aux exigences de l’Acte Européen sur l’Accessibilité (EAA).

Nous sommes également impliqués dans la Mobile Accessibility Task Force du W3C, qui fait partie de l’Accessibility Guidelines Working Group (AGWG) de la Web Accessibility Initiative (WAI), qui va produire un guide d’application de WCAG pour les applications mobiles natives.

Nous sommes enfin actifs au sein du groupe relatif à la traduction française de WCAG 2.2. Cela nous permet de garder un œil sur les évolutions nécessaires dont doivent bénéficier nos référentiels.

Tout cela, combiné à une veille technologique régulière et la réalisation d’audits simplifiés dans le cadre du monitoring de la « Web Accessibility Directive », nous permet de maintenir à jour nos connaissances.

Le SIP récolte-t-il des retours utilisateurs à propos des référentiels ? Si oui, pourquoi et comment ? Comment ces retours sont-ils ensuite qualifiés et traités ?

A.V. et D.N – Nous interagissons avec de nombreuses administrations, essentiellement au sujet de critères figurant dans le RGAA et, depuis, dans le RAWeb. Plusieurs pays européens, dont la Pologne dernièrement, nous ont adressé leurs compliments pour le travail effectué sur le RAAM.

Tous les retours utilisateurs sont les bienvenus. Ceux-ci peuvent notamment être faits via des « issues » sur nos dépôts GitHub, dont celui dédié au RAWeb.

Nous traitons les retours en interne au fil de l’eau dans la mesure du possible. Si le problème remonté est complexe, son traitement devra être planifié et fera partie d’une mise à jour majeure future.

Outre l’élaboration de référentiels, quelles sont les autres actions menées par le SIP en faveur de l’accessibilité numérique ?

A.V. et D.N – Ainsi que nous l’avons dit en guise de présentation, nous mettons l’accent sur la sensibilisation, notamment grâce aux formations que nous proposons aux agents du service public. Mais pas seulement.

Depuis un an, nous faisons vivre une section éditoriale qui, aux côtés des témoignages de professionnels et d’acteurs du monde du handicap, fait le point sur certains thèmes saillants : l’insuffisance des déclarations d’accessibilité aujourd’hui publiées ; un tour des portails publics qui proposent des PDF majoritairement inaccessibles.

Mais surtout, nous publions chaque année un bilan de l’accessibilité : c’est une synthèse de tous les audits menés (audits complets, audits simplifiés, audits d’applications mobiles) et qui donne lieu, notamment, à un classement.

C’est la deuxième année que nous le publions, et il a un impact. Les administrations le suivent avec attention, certains jouent à être dans le top 5 et désormais c’est même un argument commercial utilisé par certaines agences de développement web pour communiquer leur savoir-faire en la matière.

Quels objectifs le SIP se fixe-t-il en 2024 pour continuer à faire progresser l’accessibilité numérique dans le Grand-Duché ?

A.V. et D.N – En premier lieu, nous avons prévu une mise à jour du RAAM afin de prendre en compte les retours utilisateurs, de préciser certains concepts, et de suivre les évolutions des technologies d’assistance sur mobile.

Le contexte luxembourgeois étant multilingue, nous souhaitons mettre à disposition des contenus traduits en anglais sur notre site web. Via notre expérience de la traduction de WCAG 2.1 et 2.2 en français, nous savons qu’il s’agit d’un exercice complexe, qui peut prendre du temps.

Nous entendons ne pas en rester là et allons prochainement mettre en chantier un véritable observatoire de l’accessibilité numérique qui aura pour but de mettre davantage en lumière les audits – pas seulement ceux commandités ou réalisés par le SIP – ainsi que les initiatives en faveur d’une meilleure accessibilité.

Nous nous fixons comme objectif début 2025 pour une toute première version publique de ce tableau de bord qui présentera les principaux indicateurs de l’accessibilité numérique du secteur public au Luxembourg.


Publié le 18 avril 2024 – Mis à jour le 10 décembre 2024