Le Grand-Duché de Luxembourg publie son référentiel d’accessibilité mobile avec l’aide d’Access42

Le 23 juin 2021, le Grand-Duché de Luxembourg a publié son Référentiel d’évaluation de l’accessibilité des applications mobiles (RAAM 1).

Ce référentiel prend en charge les critères dédiés au mobile de la norme européenne EN 301 549.

Dans ce référentiel, une méthodologie d’évaluation opérationnelle accompagne la plupart des critères, afin d’en faciliter la compréhension et l’évaluation.

C’est avec une grande fierté qu’Access42 a accompagné le Grand-Duché dans la création de ce référentiel !

Le référentiel RAAM 1 s’inscrit dans une démarche plus large de transposition de la Directive européenne pour l’accessibilité des sites web et applications mobiles.

À cette occasion, nous avons sollicité Alain Vagner, Référent accessibilité numérique au sein du gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg, pour qu’il vous présente ce qu’il a mis en place pour se conformer aux exigences européennes, et qu’il dévoile l’élaboration de ce référentiel aussi important qu’innovant.

Interview d’Alain Vagner, Référent accessibilité numérique au sein du gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg

Access42 : Bonjour Alain ! Peux-tu te présenter et présenter ta mission au sein du Grand-Duché de Luxembourg ?

Alain Vagner : Bonjour Access42 ! Je me présente rapidement, j’ai 42 ans, je suis franco-luxembourgeois et je suis informaticien de formation. Je travaille depuis mars 2020 comme référent accessibilité numérique au Service information et presse du Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg au sein de la division Open Data et Accès à l’information.

Notre mission, telle que définie dans la loi luxembourgeoise du 28 mai 2019, est triple :

  • contrôler de manière indépendante l’accessibilité numérique des sites et applications mobiles du secteur public ;
  • sensibiliser les administrations et le grand public à l’accessibilité numérique ;
  • gérer les réclamations relatives à l’accessibilité que nous envoient les usagers et opérer une médiation entre les usagers et les administrations.

Access42 : Les États membres de l’Union européenne doivent présenter, au plus tard le 31 décembre 2021, un rapport portant sur les résultats des contrôles de conformité des sites web et applications mobiles du secteur public.

En effet, la Directive européenne relative à l’accessibilité des sites Internet et des applications mobiles des organismes du secteur public exige qu’un certain nombre de sites et d’applications mobiles du secteur public soient évalués au regard des normes harmonisées d’accessibilité numérique, traduites pour le Luxembourg dans le RGAA 4. C’est pourquoi il est question de réaliser plusieurs audits simplifiés (vérifiant une sélection de critères d’accessibilité) et audits approfondis (vérifiant l’ensemble des critères d’accessibilité existants).

Peux-tu décrire le dispositif que tu as mis en place pour le Luxembourg afin de pouvoir établir un tel rapport ?

Alain Vagner : Nous avons mis en place 3 types d’audits, conformément à la décision d’exécution 2018/1524 :

  • les audits simplifiés de sites web, dont le but est de sensibiliser et de faire remonter des non-conformités. Ces audits doivent pouvoir être réalisés rapidement ;
  • les audits complets de sites web, dont le but est de contrôler la conformité ;
  • les audits d’applications mobiles, qui ont aussi pour but le contrôle de la conformité.

Cette décision d’exécution définit par ailleurs les nombres d’audits minimaux à réaliser dans chaque catégorie en fonction de la population de chaque pays. Pour la période 2020-2021, nous devons réaliser 87 audits simplifiés, 15 audits complets et 2 audits d’applications mobiles. Pour la plupart de nos voisins européens, ces nombres sont bien plus élevés. Il n’y a bien entendu pas seulement 87 sites publics au Luxembourg. Nous travaillons ici par échantillon, car il ne serait pas réaliste de vouloir auditer l’ensemble de nos 600 sites. Pour être significatif, cet échantillon a été défini en concertation avec les principaux acteurs du secteur du handicap au Luxembourg. Il a été publié sur notre portail Open Data : échantillon pour le contrôle de l’accessibilité numérique 2020-2021.

Pour en revenir aux méthodes d’audit, le Luxembourg ayant adopté le RGAA, celui-ci nous a fourni la méthode de contrôle approfondi de sites. Il a donc été nécessaire de définir la méthode de contrôle simplifié de sites ainsi que la méthode de contrôle d’applications.

Concernant la méthode de contrôle simplifié, une procédure totalement automatisée ne nous a pas semblé réaliste, car les outils actuels ne relèvent actuellement que 30 % environ des problèmes d’accessibilité et peuvent relever des faux positifs, c’est-à-dire que certains problèmes détectés par ces outils n’en sont pas. Nous avons donc souhaité définir une méthode semi-automatisée. Au vu du volume de contrôles requis, nous nous sommes donné pour objectif de pouvoir réaliser un audit simplifié en moins de 0,5 personne/jour.

Nous avons défini avec l’aide d’Access42 une méthode d’audit simplifié qui répond à nos attentes et à celles de l’Europe. Dans cette méthode, nous contrôlons 3 pages avec un sous-ensemble de 53 critères du RGAA. Les tests semi-automatisés sont réalisés via axe et le validateur Nu HTML Checker.

Une fois les audits réalisés, nous les publions sur notre portail Open Data : audits complets de l’accessibilité numérique. La publication des audits est à la fois une question de transparence envers les citoyens, mais permet aussi aux administrations qui le souhaitent de se préparer de manière proactive à un éventuel audit.

Access42 : Quels enseignements tires-tu aujourd’hui des premières évaluations que tu as pu mener, par rapport à la prise en compte de l’accessibilité numérique au Luxembourg ?

Alain Vagner : Le nombre de sites que nous avons testés pour l’instant n’est pas statistiquement significatif, je ne pourrais donc pas vous donner de résultat chiffré.

L’obligation d’accessibilité numérique au Luxembourg étant entrée en vigueur il y a moins d’un an (23 septembre 2020 pour les sites), les taux de conformité sont encore assez inégaux. Ceci peut s’expliquer par le fait que nous n’ayons pas encore touché l’ensemble des administrations par nos actions de sensibilisation. Nous rencontrons néanmoins une forte demande des administrations pour les formations que nous proposons sur l’accessibilité numérique.

Le niveau de maturité de l’intégration de l’accessibilité dans les processus varie beaucoup d’une administration à une autre. Je constate par exemple que les sites web réalisés par l’administration qui gère plus d’un tiers de tout le parc de sites publics ont en général un taux de conformité plus élevé que la moyenne. Cette administration a mis en place des procédures de développement et de contrôle pour garantir un bon niveau d’accessibilité. Les équipes sont formées et possèdent une bonne expérience. Dans ce cas, la centralisation est bénéfique, car elle permet d’atteindre une masse critique de ressources formées à l’accessibilité et ayant une expérience dans ce domaine.

Par nos actions de sensibilisation, j’aimerais vraiment que l’accessibilité entre dans la culture des équipes au même titre que la sécurité informatique. Cette dernière est souvent considérée comme plus prioritaire, certainement aussi à cause du cadre légal plus coercitif au niveau sanctions.

Access42 : Depuis le 23 juin 2021, date fixée par la Directive européenne, les applications mobiles des services publics européens doivent être accessibles. Le gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg joue un rôle d’accompagnement des entités qui développent ces applications mobiles, et il a aussi le devoir d’en évaluer la conformité. C’est pourquoi il a publié le Référentiel d’évaluation des applications mobiles (RAAM 1), dont la forme s’inspire du RGAA. Peux-tu nous expliquer en quelques mots sa genèse et ses grandes lignes ? En quoi ce référentiel mobile est-il important aujourd’hui pour vous au Luxembourg ?

Alain Vagner : La norme européenne EN 301 549 (PDF, 2,3 Mo) est le document de référence pour l’accessibilité numérique en Europe. La loi luxembourgeoise sur l’accessibilité numérique la mentionne explicitement. Ce document est donc très important et s’applique notamment aux sites, aux applications, aux documents bureautiques en téléchargement, etc. Quand nous avons analysé cette norme, il nous a semblé clair que pour les applications mobiles nous aurions besoin d’un référentiel spécifique pour nous aider à mettre en place les contrôles et la sensibilisation. En effet, ce document est dédié à des experts en accessibilité et nous a paru difficile d’accès pour les équipes de développement d’applications mobiles. Pour les sites web, la norme se base majoritairement sur les WCAG qui possèdent des techniques applicables essentiellement sur le web. Cependant, les critères de succès WCAG ne sont pas tous directement applicables aux applications mobiles et les WCAG ne proposent pas de techniques dédiées aux applications mobiles [1].

Les audits d’applications mobiles sont aussi réalisés de manière très différente des audits de site web, dans la mesure où une grande partie des audits de sites web repose sur de l’audit de code, là où l’audit d’application mobile s’appuie sur des tests de restitution. Il était donc nécessaire d’avoir une méthodologie de test dédiée aux applications mobiles.

Pour toutes ces raisons, nous avons voulu définir notre propre référentiel mobile. Néanmoins nous ne partions pas de zéro et étions très influencés par le RGAA. Il nous a donc semblé pertinent de construire un référentiel pour les applications mobiles qui serait le plus proche possible du RGAA en termes de concepts, mais aussi de structure.

Ce référentiel est un outil précieux pour nous. Au niveau de la sensibilisation, il nous permet de présenter de manière claire et concise les critères à respecter. Les professionnels déjà formés au RGAA n’ont aucun problème à s’approprier ce nouveau référentiel. Au niveau de l’audit, les rapports sont standardisés et présentent un taux de conformité. Ceux-ci nous sont notamment utiles pour les rapports que nous devons envoyer chaque année à l’Europe, vu que ceux-ci doivent entre autres présenter des données de mesure de l’accessibilité.

RAAM 1
RAAM 1 affiché sur une tablette et un téléphone mobile. Accessibilite.lu. Crédit : SIP (Service information et presse du gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg), publié sous licence CC0.

Access42 : Comment Access42 vous a-t-elle accompagnés lors de la conception du Référentiel d’évaluation des applications mobiles ? Que vous a apporté cet accompagnement ?

Alain Vagner : Nous avons mandaté Access42 pour la conception de ce référentiel de manière collaborative avec notre service. Access42 a pris en charge ce projet de A à Z, de la veille technologique et normative, en passant par la rédaction du contenu, la relecture et les tests. Nous avons pu participer aux principaux choix de conception, à la relecture, et nous avons mis en place un beta test, dans lequel nous avons invité des experts luxembourgeois en accessibilité à nous donner leur feedback sur ce référentiel. Enfin, notre équipe a intégré les contenus dans notre site accessibilite.lu. Cette approche collaborative nous a été très bénéfique, dans la mesure où elle nous a permis d’approfondir nos connaissances sur les critères et techniques d’accessibilité mobile tout en nous appropriant le référentiel.

Ce projet avait une contrainte de temps forte, sachant que nous voulions pouvoir publier ce référentiel avant la deadline du 23 juin 2021. L’équipe d’Access42 a respecté tous les délais nous permettant de publier le référentiel à temps.

Access42 : Quelles sont les prochaines étapes pour l’accessibilité numérique au Luxembourg ? D’autres projets sont-ils déjà en cours, ou en prévision ?

Alain Vagner : Je souhaiterais tout d’abord mettre en place une communauté de pratique autour de l’accessibilité numérique au Luxembourg. Nous avons des personnes intéressées par ce domaine dans différentes administrations et sociétés concernées par la loi, mais nous n’avons pas encore à ma connaissance de plateforme pour échanger sur nos pratiques et pour progresser collectivement.

Par ailleurs, de nombreux États européens ont mis en place un observatoire de l’accessibilité. Un des plus représentatifs en termes de fonctionnalités est celui du Portugal. L’idée serait d’avoir sur notre site un tableau de bord présentant une vue d’ensemble de l’accessibilité au Luxembourg et son évolution dans le temps. Les données de ce tableau de bord seraient basées sur les résultats de nos audits. Un tel outil permettrait de rendre compte aux usagers de notre action, et donnerait aussi aux différentes administrations la possibilité de valoriser le travail accompli sur l’accessibilité de leurs sites.

Notes


Publié le 13 juillet 2021 – Mis à jour le 23 juillet 2024