Réseaux sociaux et accessibilité : comment rendre les émojis accessibles ?
L’étude Réseaux sociaux et collectivités locales françaises, publiée en mars 2023 par l’Observatoire socialmedia des territoires et Swello, a souligné la progression de la présence de ces dernières sur les réseaux sociaux. Facebook, Twitter et YouTube étant en tête des canaux les plus utilisés.
Ces réseaux deviennent pour les collectivités les plus importantes des relais à part entière de leur communication.
Il est alors légitime de s’interroger sur l’accessibilité des contenus publiés sur les réseaux sociaux. En effet, ce mode de communication n’exempte pas de faire le nécessaire pour garantir le droit à l’information des personnes handicapées.
Dans cette optique, nous vous proposons une série d’articles consacrée aux règles à suivre pour communiquer de manière accessible sur vos réseaux sociaux, qui seront particulièrement utiles aux équipes en charge de la contribution éditoriale, mais aussi aux métiers liés au community management.
Bien entendu, les problèmes d’accessibilité des plateformes de réseaux sociaux elles-mêmes peuvent avoir des impacts plus larges : il reste donc indispensable de communiquer par d’autres canaux (affichage physique et site Internet accessible, par exemple) afin que les personnes handicapées aient toutes accès à l’information.
Pour commencer cette série, penchons-nous sur la question des émojis, dont l’usage et le nombre ne cessent de croître.
Quel est l’impact des émojis sur l’accessibilité numérique ?
Avec plus de 3600 émojis recensés par le Consortium Unicode (Emoji Counts) et plus de 700 millions utilisés sur Facebook chaque jour selon les statistiques du World Emoji Day, les émojis sont partout sur les réseaux sociaux.
Si les émojis sont réputés pour générer de l’engagement, leur utilisation inappropriée peut pourtant brouiller les messages auprès des personnes handicapées, notamment :
- les personnes aveugles qui ne voient pas les émojis ;
- les personnes malvoyantes qui pourraient ne pas ou mal percevoir un émoji ;
- les personnes avec des difficultés de compréhension pourront également être impactées, voire les personnes daltoniennes si des émojis sont utilisés pour leur couleur.
Voyons donc comment continuer à utiliser les émojis en limitant l’impact sur l’accessibilité des contenus sur les réseaux sociaux.
Comment utiliser les émojis ?
Il ne s’agit pas de bannir l’usage des émojis, mais bien de les utiliser avec modération. Il est important de se souvenir que le principal est le contenu du message diffusé et non uniquement son apparence !
Prendre en compte la signification des émojis
Tout d’abord, se renseigner sur la signification des émojis utilisés permet de les utiliser à bon escient. Chacun d’entre eux est associé à un équivalent textuel qui sera restitué par les technologies d’assistance.
Les technologies d’assistance sont des outils, physiques ou logiciels, utilisés par les personnes en situation de handicap pour naviguer sur le web. Elles se basent sur le code informatique d’une page web pour en restituer le contenu.
Il peut s’agir d’un lecteur d’écran qui vocalisera le texte d’une page, d’une plage braille qui restituera en braille le contenu textuel, ou bien d’une souris adaptée, de type trackball, qui permettra de naviguer de titre en titre ou de cliquer sur les liens, etc. Il existe presque autant de technologies d’assistance que d’individus les utilisant.
Pour vérifier leur pertinence, de nombreux sites référencent les émojis en indiquant leur équivalent textuel, par exemple sur les sites (hélas inaccessibles) Emojiterra ou Emojipedia : ceux-ci se basent sur la liste du Consortium Unicode.
Éviter la multiplication des émojis
Lorsque les émojis sont multipliés, chacun d’entre eux sera restitué par les lecteurs d’écran utilisés par les personnes aveugles ou malvoyantes : ce sera au mieux désagréable, au pire complètement incohérent et incompréhensible.
Aussi, pour souligner un message important, un seul émoji suffit à attirer l’attention : inutile d’en mettre plusieurs à la suite, au risque que l’information principale soit perdue.
Par exemple, prenons le message suivant :
Voici comment il sera vocalisé par VoiceOver (lecteur d’écran édité par Apple) :
« Gyrophare de voiture de police gyrophare de voiture de police nous avons besoin de vous gyrophare de voiture de police gyrophare de voiture de police »
Si on tient vraiment à utiliser un émoji, l’avertissement semble plus approprié. Par exemple :
Ce émoji sera vocalisé ainsi : « Symbole d’avertissement Nous avons besoin de vous »
.
Faire attention à la place des emojis dans le message
Deux autres points sont à garder en tête lors de la rédaction d’un contenu numérique.
- Éviter d’utiliser des émojis à la place des mots. Le sens d’un émoji peut ne pas être compris par les personnes qui le lisent.
- Ne pas utiliser des émojis à la place des chiffres. Deux émojis « 4 » ne seront jamais restitués « 44 » !
Dans cet exemple, les deux émojis « 4 » sont vocalisés« deux touches clavier 4 »
par VoiceOver, ce qui donne :« deux touches clavier 4 % des salariés français sont exposés à la détresse psychologique ! visage pris de vertige et mal à l’aise »
. Cela provoque donc un contresens, en plus d’être inutilement verbeux. - Placer les émojis en fin de phrase, plutôt qu’en début de phrase : cela permet d’alléger la restitution par les lecteurs d’écran. Alors que, lorsqu’un émoji se trouve en début de phrase, cela complexifie la lecture et peut noyer l’information réellement importante de la phrase. Ainsi, lorsque vous écrivez un message ponctué d’emojis, la synthèse vocale lira leur intitulé au même titre que le texte environnant.
Prenons le cas d’une publication Facebook criblée d’emojis :
Voici ce que le lecteur d’écran VoiceOver restituera :
« Visage avec des lunettes de soleil nous sommes heureux de vous accueillir sous ce beau soleil pour la première fête de la commune. Croisons les doigts pour qu’il n’y ait pas de signe de haute tension ! deux mains avec l’index et le majeur croisés
On se retrouve à horloge indiquant 6 heures et demi 14 heures horloge indiquant 3 heures et demi
À tout à l’heure symbole de carte cœur rouge
Venez nombreux homme et femme se tenant la main visage souriant avec des lunettes de soleil visage souriant avec les yeux rieurs et les joues roses »
Que constate-t-on ?
- L’usage des émojis en milieu de phrase ajoute des mots parasites au message et crée un malentendu quant à l’heure à laquelle a lieu l’événement ;
- l’utilisation de l’émoji « éclair », qui a pour description « haute tension », risque de créer de l’incompréhension quant à la tension mentionnée. Il aurait été plus simple d’écrire, simplement, « orage ».
Pour compléter
Ces quelques exemples vous permettent déjà de cerner l’ampleur du problème causé par une utilisation inappropriée des émojis.
Pour consulter d’autres exemples et démonstrations, nous vous recommandons les articles suivants, publiés par certaines de nos consœurs : ils ont servi de base à notre réflexion. Vous y trouverez notamment des tests de vocalisation au format audio ou vidéo :
- Faux gras, caractères fantaisistes, abus d’émojis : le détournement des caractères Unicode, fléau pour l’accessibilité du web, Julie Moynat — La Lutine du web ;
- Des émojis accessibles, Anne-Sophie Tranchet ;
- Emoji, Alexa Heinrich – Accessible social (contenu en anglais).
Conclusion
Quelques règles simples permettent de concilier accessibilité et usage des émojis. Les respecter améliorera la portée de vos publications auprès des personnes en situation de handicap, qui auront accès à la même information que tout le monde.
Pour compléter, n’hésitez pas à :
- rédiger une charte de publication à l’attention des personnes qui produisent et publient des contenus pour vos comptes sur les réseaux sociaux ;
- à vérifier et corriger vos propres publications, en commençant par les plus récentes.
Prolongez votre lecture et découvrez la meilleure façon de rédiger les hashtags pour l’accessibilité grâce au deuxième article de cette série !
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Apprenez à communiquer sur les réseaux sociaux de manière accessible, pour ne plus exclure les personnes en situation de handicap de votre communication digitale.
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