Rédiger des documents collaboratifs avec un lecteur d’écran #2 : Framapad

Attention ! Cet article a été écrit en 2018. Son contenu a peut-être besoin d’une mise à jour. Complétez votre veille avec des articles plus récents, par exemple en consultant les nouveautés de notre blog accessibilité numérique, ou en lançant une recherche pour trouver des articles similaires, mais à jour.

Comme nous l’avons fait précédemment pour Google Docs, l’objectif de ce deuxième article est de donner des indications sur l’accessibilité et la facilité d’utilisation de Framapad lorsqu’on utilise un lecteur d’écran.

Framapad est un outil libre qui permet de rédiger des documents ou de créer des tableurs à plusieurs.

Les tests de cette plate-forme ont été réalisés avec le lecteur d’écran NVDA et les navigateurs Firefox, Chrome et Internet Explorer 11.

1. Créer son compte et se connecter

La création d’un compte ou l’identification s’effectue sur le site MyPads.
La création d’un compte ou la connexion à un compte déjà créé ne pose pas de problèmes d’accessibilité.

Comme sur Google Docs, il est plus facile de modifier les documents lorsqu’on est connecté·e que quand on n’a pas de compte. Il est également plus simple de partager le document et de le modifier.

2. Créer un nouveau document

Si l’on ne dispose pas de compte ou qu’on n’est pas identifié, on peut créer un nouveau pad en allant sur la page de framapad.org.

Il faut rechercher le champ de saisie « nom du pad » dans lequel est écrit un nom de pad par défaut, une succession de lettres et de chiffres, comme, par exemple, « 112ifkIQSb ». On peut créer un nom plus explicite si on le souhaite.

Note : si NVDA ne trouve pas le champ de saisie lorsque vous appuyez sur la touche E (recherche du champ de saisie suivant), naviguez de titre en titre (h) jusqu’à « Comment ça marche ? ».

Vous avez ensuite une liste déroulante vous permettant d’indiquer la durée de vie de votre pad : 1 mois, 6 mois, un an. Si vous n’effectuez aucune modification pendant cette durée, le pad est supprimé automatiquement.

Activez ensuite le bouton « Créer un pad ».

Note : il se peut qu’une fois que vous avez activé ce bouton, une petite fenêtre apparaisse, vous demandant de faire un don. Tant que vous n’avez pas cliqué sur l’un des 3 choix (« Non merci, je souhaite seulement créer un pad », « faire un don », « je soutiens déjà framasoft »), ou que vous n’avez pas fermé le message avec le bouton de fermeture, le pad ne sera pas créé.

Lorsqu’on crée son pad après s’être identifié à son compte, cela paraît simple au premier abord. Il suffit d’activer le lien « créer un nouveau pad ». De l’aide est proposée pour choisir quels paramètres appliquer au document : consultation restreinte, par mot de passe ou publique.

Mais si une erreur se produit, le titre de la page n’est pas mis à jour. L’erreur est signalée après le formulaire et le focus du navigateur n’est pas déplacé à cet endroit. En conséquence, une personne qui n’a pas un aperçu global de la page ne voit pas les changements sur une partie de l’écran. Elle ne saura pas qu’il y a une erreur et tentera, en vain de valider encore et encore la création du document.

3. Naviguer dans le document

Bonne nouvelle ! Contrairement à Google Docs, il n’est pas nécessaire d’activer une compatibilité quelconque avec un lecteur d’écran. On peut immédiatement lire le contenu du document créé ou partagé.

Note : il se peut que lorsqu’on crée un document, le menu de l’interface soit en anglais, pour des raisons que je ne m’explique pas. Le passage au menu en français n’est pas évident car il est difficile de repérer et d’accéder à l’élément « paramètres » permettant de changer la langue. En effet, une fois que les paramètres sont ouverts, ils apparaissent à un autre endroit de la page, mais le focus n’y est pas déplacé. Le lecteur d’écran n’avertit donc pas l’utilisateur que de nouvelles informations sont apparues sur la page. Il faut rechercher un titre de niveau 1, « paramètres » pour trouver les réglages que l’on peut modifier.

Lorsqu’un document est créé sur Framapad en ajoutant des titres, des listes, des liens, la structure est bien restituée.

Cependant, la page est constituée de plusieurs parties :

  • le menu de l’application,
  • la barre d’outils de mise en forme,
  • une barre d’outils pour le document,
  • le document lui-même,
  • une partie d’aide et le chat.

Il n’est pas possible d’utiliser le mode navigation de NVDA pour se déplacer de titre en titre ou d’une liste à l’autre dans le document en cours d’édition.

Il est néanmoins faisable, en activant les paramètres du document, de demander à afficher le sommaire du document. On voit ainsi la structure du document avec des liens vers chaque titre. Malheureusement, en activant l’un des liens au clavier, on ne peut pas se rendre sur le titre correspondant.

4. Les raccourcis clavier

Comme pour Google Docs, il est possible d’utiliser les raccourcis clavier connus pour :

  • annuler une modification : Ctrl+z ;
  • mettre le texte en italique : Ctrl+i.

Mais l’application a aussi ses propres raccourcis tels que :

  • Ctrl+majuscule+l pour créer une liste à puces (identique à Word) ;
  • Ctrl+majuscule+n pour créer une liste numérotée.

Il n’existe pas de raccourcis pour aller sur certaines parties de l’application tels que l’export de documents ou le partage de documents.

Il n’y a pas non plus de raccourci pour ajouter un commentaire et leur identification et acceptation reste compliquée, car très visuelle.

Faute de raccourci, la navigation entre le document en cours d’édition et les éléments de l’application, tels que le partage du document ou la mise en titre de niveau 1 d’un texte demande un certain nombre de manipulations entre le mode formulaire de NVDA et la navigation rapide du lecteur d’écran. Quand on découvre l’application, cela entraîne beaucoup de tâtonnements.

Ainsi, pour mettre un titre de niveau 1 à un texte :

  1. tout d’abord, sélectionnez le texte à mettre en forme.
  2. Appuyez ensuite sur F6, par exemple, pour aller dans la barre d’adresse de votre navigateur, cela vous permet de désactiver le mode formulaire de NVDA qui ne se désactive pas toujours.
  3. Remontez en haut du document avec Ctrl+début et recherchez, à l’aide du raccourci x, la liste déroulante pour la mise en forme. NVDA annonce : « liste déroulante normal », où normal indique la mise en forme actuelle du texte sélectionné.
  4. Développez la liste à l’aide des touches Alt+flèche bas et descendez jusqu’à titre 1. La mise en forme est appliquée.

Pour retourner à votre texte, quittez si besoin le mode formulaire de NVDA en appuyant sur NVDA+espace et tapez m pour rechercher le cadre dans lequel se trouve votre texte. NVDA annonce : « pad, cadre application éditable ».

Vous pouvez alors réactiver le mode formulaire à l’aide de NVDA+espace. Le texte ne s’affiche pas toujours immédiatement. Il faudra jouer de la tabulation pour retrouver l’emplacement où l’on était.

Voici un exemple de restitution lorsqu’on navigue avec NVDA pour rechercher la zone contenant le texte du document.

Cadre, région information sur le contenu, région navigation, Framasoft titre niveau 1. Ether cadre cliquable. P A D cadre application éditable. Bip de NVDA lorsqu’il entre en mode formulaire.

Note  : lorsqu’on se déplace avec la touche m ce raccourci de NVDA permet de naviguer d’un cadre à l’autre dans la page. Cette page de framapad contient plusieurs cadres :

  • Un cadre contenant la navigation du pad ;
  • un cadre dont le titre, « Ether » n’est pas du tout évocateur et dont le rôle n’est pas clair pour l’utilisateur ;
  • enfin, le cadre contenant le texte en cours de rédaction.

L’exemple ci-dessus montre la navigation entre ces cadres. Une fois que l’on arrive sur le texte proprement dit et que NVDA annonce « cadre, application éditable », il faut réactiver le mode formulaire avec NVDA+espace pour pouvoir écrire. C’est pourquoi on entend un petit bip à la fin de l’extrait audio indiquant que le mode formulaire est réactivé.

Astuce  : un autre moyen de retourner dans la zone d’édition du document après qu’on a, par exemple, modifié un paramètre ou mis un texte en niveau de titre 1, est de rafraîchir la page en appuyant sur F5. Le mode formulaire se réactive et on retrouve l’emplacement qu’on avait quitté pour changer le paramètre ou effectuer le formatage.

5. Être informé·e des commentaires ou des fautes d’orthographe

Les fautes d’orthographe ne sont pas toujours annoncées par NVDA lorsqu’on lit le document de manière continue. En revanche, lorsqu’on se déplace de mot en mot avec les raccourcis Ctrl+flèches droite ou gauche par exemple, les erreurs sont vocalisées.

En ce qui concerne les commentaires, ils sont signalés par des couleurs différentes, en fonction de l’auteur, et donc, inaccessibles avec un lecteur d’écran ou pour une personne qui distingue mal les couleurs.

En dehors du document lui-même, dans les menus de l’application, il y a la liste des commentaires, appelés « annotations », constituée de cases à cocher permettant de sélectionner le commentaire sur lequel on veut travailler. On peut ensuite choisir de l’accepter ou de l’annuler. Mais, après avoir essayé d’effectuer une action sur l’un des commentaires, je n’ai constaté aucune différence sur un ajout ou une suppression de texte.

Après avoir testé avec une autre contributrice l’ajout d’un texte par celle-ci, je n’ai pas pu être informée, en lisant le texte, que quelque chose avait été changé et ce qui avait modifié. Par contre, une personne qui voit les couleurs s’apercevra immédiatement de ce changement.

6. Braille ou pas braille ?

La lecture du document en braille ne pose aucun problème. Il suffit d’activer le mode formulaire lorsqu’on se trouve sur la partie de l’éditeur.

Cependant, dans certains cas que je n’ai pas pu réellement identifier de façon systématique, je pouvais lire le début d’une ligne, mais lorsque j’appuyais sur la touche de mon terminal braille pour lire le reste de la ligne, celui-ci ne s’affichait que quelques secondes et je relisais le début de la ligne. La seule solution est d’utiliser les flèches de direction pour avancer sur la ligne en cours de lecture pour la lire jusqu’à la fin.

7. Collaborer avec les applications de bureau

Framapad ne permet pas d’éditer le document sur une application de bureau telle que LibreOffice ou Word. Seule l’édition en ligne a pu être effectuée.

8. Exporter ou importer dans d’autres formats

Pour importer un document, choisissez dans la barre d’outils « Importer/Exporter de/vers un format de fichier différent ».

Le bouton « Parcourir » s’affiche, permettant de choisir un fichier à importer de son ordinateur. Si on se trouve déjà dans un document, un message indiquant que le contenu de ce pad sera écrasé par le fichier importé s’affiche.

Lors de l’importation, un message indique qu’elle est en cours. Malheureusement, si cette importation échoue, l’utilisateur d’un lecteur d’écran n’est pas prévenu automatiquement de cet échec. L’information ne peut être trouvée qu’en parcourant la page.

Note : il semble que l’import de documents docx ou odt ne soit pas possible. Le message suivant apparaît : « Échec de l’importation : veuillez copier/coller ». En revanche, l’importation d’un fichier TXT a fonctionné.

Pour ce qui est de l’export de fichiers, les formats suivants sont disponibles :

  • Le format etherpad, qui n’est pas expliqué : aucune information sur l’outil nécessaire pour le lire. Aucun test d’export dans ce format n’a été effectué.
  • HTML : la langue par défaut du document exporté est l’anglais. Les styles de mise en forme sont insérés directement dans le code HTML. Mais la structure avec titres et listes est respectée.
  • Fichier texte : ne pose aucun problème puisqu’il s’agit d’une conversion en texte (sans structure) du pad.
  • PDF : le balisage du document original (titres, listes) est perdu.
  • Doc : cette conversion n’est pas possible actuellement. Mais l’information n’est donnée qu’après avoir cliqué sur le lien de conversion au format doc.
  • ODT : la conversion respecte la structure du document. Mais rien n’est disponible sur les commentaires et éventuelles annotations ajoutées par d’autres utilisateurs.
  • L’export en markdown n’a pas été testé.

Conclusion

Mon avis à l’issue de ces tests d’édition collaborative avec Framapad est relativement mitigé. S’il est relativement facile de créer un document, il sera plus complexe de le mettre en forme ou d’ajouter des commentaires.

En effet, comme les changements dans la page ne sont pas vocalisés, il faut basculer entre le mode formulaire de NVDA et le mode navigation, puis rechercher où un changement a pu se produire dans la page.

Si une autre personne ajoute un commentaire, il n’est pas aisé de le trouver dans le document. Les commentaires sont affichés sous forme de liste, en dehors du document, dans l’application.

L’édition collaborative avec un lecteur d’écran est donc faisable mais demande beaucoup de manipulations de la part de l’utilisateur. L’édition à l’aide d’un éditeur de bureau reste beaucoup plus facile.

Pour améliorer cette édition, il faudrait rajouter des attributs ARIA pour vocaliser les contenus qui changent, gérer le déplacement du focus du navigateur quand c’est nécessaire (atteindre des zones affichées sur action de l’utilisateur par exemple), rajouter des raccourcis clavier, rendre accessibles les commentaires qui ne sont actuellement signalés que par de la couleur.

En l’état actuel, malheureusement, ce système d’édition collaborative ne permet pas de rédiger des documents avec un lecteur d’écran de manière rapide et efficace.

À propos

  • Sylvie Duchateau

    Experte accessibilité numérique

    Sylvie Duchateau a travaillé au sein d’Access42 de 2014 à 2024 en tant que consultante en accessibilité numérique et formatrice. Aveugle, Sylvie a développé une véritable expertise dans la maîtrise des technologies d’assistance : c’est pourquoi elle animait notamment nos formations aux lecteurs d’écran. Sylvie a par ailleurs contribué à traduire en français les WCAG 2.0 et 2.1.

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