Saignées obliques dans un mur non porteur (2/2) : conformité et gestion des risques
Cet article date de 2016, mais continue à bien refléter la position de notre regretté collègue Jean-Pierre Villain.
Suite de l’article sur la conformité et la gestion des risques en accessibilité, après la première partie publiée le 15 mars 2016.
On attend d’un professionnel du Web qu’il soit conscient des risques associés à chaque règle d’un référentiel de normes, mais il faut surtout qu’il soit conscient qu’appliquer la norme implique la conformité, l’un ne va pas sans l’autre.
Car la conformité est le moyen le plus sûr de s’assurer qu’un risque identifié est minimisé.
Dans notre domaine, et c’est quelque chose qui est encore très mal compris, la conformité au Référentiel Général pour l’Accessibilité des Administrations, RGAA ne vous apporte aucune garantie sur le niveau d’accessibilité réel d’un site. Son seul but est de garantir que le minimum est fait pour que le risque qu’un utilisateur ne puisse pas accéder à une information et l’utiliser est ramené à un niveau jugé acceptable.
Toute proportion gardée, elle agit sur l’information comme les normes de construction : vous pouvez faire des saignées obliques adaptées à un contexte particulier, et il est probable que vous ayez des chances raisonnables que cela tienne suffisamment longtemps et qu’il n’y ait jamais de problème. En revanche, vous ne pouvez pas considérer que le risque est ce qu’il devrait être, vous êtes non conforme : vous avez remplacé un risque jugé acceptable par une chance non négligeable, même minime, que le mur s’effondre.
Toute norme dispose de règles permettant de gérer des régimes dérogatoires, des exceptions ou des écarts à la norme. Ainsi vous pouvez faire des saignées obliques dans un mur porteur de briques pleines à des conditions précises de dimensions, de longueur, de profondeur et de coulage.
Le RGAA n’échappe pas à cette règle et contient également des dispositifs dérogatoires, les cas particuliers pour les cas identifiés et le système plus général d’aménagement raisonnable et de moyen de compensation. Ces dispositifs, particulièrement le second, sont des éléments essentiels qui sont au cœur même de la notion de conformité.
Être conforme au RGAA, cela signifie avoir respecté l’ensemble des critères en ayant utilisé les cas particuliers et le dispositif construit autour de l’aménagement raisonnable pour gérer les cas où il n’est pas possible ou pas souhaitable d’appliquer un critère.
Ce que j’attends d’un professionnel du Web consciencieux des risques et des conséquences pour l’utilisateur d’un contenu inaccessible, c’est qu’il comprenne que la conformité au RGAA n’est pas une contrainte vis-à-vis de laquelle il peut prendre des libertés en conscience.
C’est juste un outil, une méthode pour qu’il puisse garantir à ses clients, à son employeur et à ses utilisateurs, que les risques sont ramenés à un niveau jugé acceptable.
Il dispose en revanche dans le RGAA de tous les moyens pour appliquer la norme en l’adaptant à son contexte, et il dispose sur le marché de professionnels spécialistes de l’accessibilité en général et de la gestion des écarts à la norme en particulier.
La conformité n’est pas une fin en soi, ce n’est même pas une fin, c’est juste le début. Vous pouvez décider de vous en écarter, mais vous ne pouvez plus dès lors garantir à quiconque et pas même à vous-même que vos contenus sont accessibles.
Car en réalité, ce que vous aurez fait, c’est remplacer une accessibilité maîtrisée par une gestion de risque permanent d’inaccessibilité et c’est tout autre chose.
Si vous êtes un professionnel du web consciencieux, particulièrement du fait que vous devez assurer à vos utilisateurs que vos contenus sont accessibles, formez-vous. Vous apprendrez à rendre vos contenus accessibles, à gérer la conformité, ce que vous pouvez prendre en charge et quand vous aurez besoin de spécialistes du domaine.
Vous découvrirez que si cela demande des efforts non négligeables, ce n’est pas si difficile.
Et la poutre, du coup ?
Finalement, en sacrifiant çà et là quelques aménagements, nous avons fait une poutre de 60 cm, je ne sais pas qui habite dans cet immeuble maintenant, mais je dors tranquille.
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