Actes de la directive européenne : retour sur l’appel à commentaires
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Il y a dix jours se clôturait l’appel à commentaires sur les actes d’exécution du « European Accessibility Act ». Access42 y a participé, aux côtés de plusieurs confrères européens, nous vous en disons plus dans ce nouvel article.
Rapide historique
Le 2 décembre 2016 était publiée la directive européenne 2016/2102 « relative à l’accessibilité des sites internet et des applications mobiles des organismes du secteur public » [1]. Cette directive doit être transposée dans chaque État membre de l’Union européenne au plus tard le 23 septembre 2018, mais deux articles de cette directive attendent l’établissement d’actes d’exécution :
« La responsabilité première de la mise en œuvre de la législation européenne incombe aux pays membres. Toutefois, dans les domaines où des conditions de mise en œuvre uniformes sont nécessaires (fiscalité, agriculture, marché intérieur, santé et sécurité alimentaire, etc.), la Commission (ou, exceptionnellement, le Conseil) adopte des actes d’exécution. »
Un acte d’exécution est donc requis lorsqu’un article (ou une partie d’un article) risque d’engendrer des transpositions trop différentes d’un État à l’autre s’il n’est pas détaillé. L’acte d’exécution vient alors fournir tous les détails nécessaires pour que les États membres puissent réaliser des transpositions équivalentes.
Vous trouverez une traduction non officielle des actes d’exécution, organisée par Yann Goupil et réalisée avec le concours de plusieurs acteurs de la communauté de l’accessibilité numérique française.
Appels à commentaires
Ces actes doivent être adoptés au plus tard le 23 décembre 2018. Ils ont été publiés à l’état de document de travail le 18 mai 2018. Suite à cela, un appel à commentaires a été ouvert, et s’est terminé le 16 juin dernier.
De nombreuses structures se sont mobilisées dans l’Union européenne pour proposer des commentaires, la plupart des États membres étant représentés (Allemagne, Angleterre, Belgique, Espagne, Finlande, France, Italie, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Roumanie, Slovaquie, Suède). Au total, pour les deux actes, on a comptabilisé 47 commentaires [2].
Access42 a émis certains de ces commentaires. Dans cet article, nous en présentons les grandes lignes.
Modèle de déclaration d’accessibilité
L’article 7 « Mesures supplémentaires » de la directive européenne impose, entre autres, que « les organismes du secteur public fournissent et mettent régulièrement à jour une déclaration sur l’accessibilité détaillée, complète et claire sur la conformité de leurs sites internet et de leurs applications mobiles »
.
C’est l’acte d’exécution établissant « un modèle de déclaration d’accessibilité » qui vient en donner les détails. On y trouve deux documents :
- l’acte d’exécution lui-même, qui définit les modalités de mise en place de cette déclaration ainsi que les modalités de contrôle par les États membres ;
- une annexe qui donne un modèle de déclaration d’accessibilité (avec des éléments obligatoires et non obligatoires).
En France, nous avons l’expérience de ces déclarations d’accessibilité puisque le RGAA contient déjà la mise en place d’une déclaration de conformité. De fait, Access42 a proposé quelques améliorations au modèle proposé par la Commission européenne : c’est l’annexe que nous avons commentée.
Contenus obligatoires de la déclaration
L’annexe donne la liste des contenus obligatoires et facultatifs que doit posséder la déclaration d’accessibilité. Access42 a donc proposé d’ajouter les contenus obligatoires suivants :
- la liste des pages auditées : un audit de conformité s’effectue sur un échantillon de pages (ou d’écrans pour les applications) et il est nécessaire que le corpus soit communiqué publiquement. En effet, que ce soit pour les utilisateurs ou pour les audits de contrôle, cet échantillon est essentiel pour interpréter le niveau de conformité ;
- la liste des outils ayant servi à réaliser l’évaluation : il semble nécessaire d’indiquer les outils utilisés pour réaliser l’audit, notamment les agents utilisateurs et technologies d’assistance ayant servi à réaliser les tests de conformité. Dans le cas du mobile, il est nécessaire d’indiquer la version de l’application inspectée ainsi que les terminaux utilisés pour réaliser les tests (constructeur et version du système d’exploitation).
Méthodologie de contrôle et modalités d’établissement des rapports par les États membres
L’article 8 « Contrôle et comptes rendus » de la directive européenne impose aux États membres de contrôler « périodiquement la conformité des sites internet et des applications mobiles des organismes du secteur public avec les exigences d’accessibilité »
.
Ainsi, l’acte d’exécution établissant « une méthodologie de contrôle et les modalités d’établissement des rapports par les États membres »
en fixe les règles. On y trouve 3 documents :
- l’acte d’exécution qui définit entre autres choses les objectifs du contrôle, les plannings de réalisation des contrôles et de publication des rapports ;
- une annexe qui décrit en détail les deux méthodes d’audit (simplifié et approfondi), le calcul du nombre de sites et applications à contrôler ainsi que la méthode d’échantillonnage et enfin la méthode d’échantillonnage des pages et écrans d’application ;
- une seconde annexe qui vient décrire les principes à respecter pour la création des rapports annuels que doivent produire les États membres.
C’est un travail d’une grande ampleur qui attend les États membres ici. Rien que pour la France par exemple, le nombre de sites à inspecter (avec la méthode d’audit rapide) est de 1415 sites, pour la première et seconde année d’entrée en vigueur de ces actes. À partir de la troisième année, ce nombre passe à 2086 sites (ces chiffres sont calculés au prorata du nombre d’habitants).
À titre d’information, nous avons créé un tableau qui se base sur ces taux donnés par l’annexe 1, pour tous les États membres.
Access42 a donc émis quelques commentaires sur ces documents.
Informer les structures évaluées de leurs résultats : distorsion de concurrence
L’article 7 de l’acte d’exécution demande à ce qu’une structure soit informée lorsque des erreurs d’accessibilité ont été relevées sur son site web ou application au cours d’un processus de contrôle.
Il est demandé que l’État fournisse à la structure concernée les données nécessaires pour que celle-ci puisse elle-même identifier les problèmes et pouvoir les corriger.
Ici, nous avons relevé une distorsion de concurrence. En effet, la transmission du détail des résultats aux sites testés serait en réalité financée par les États. Alors qu’un site ne faisant pas partie de l’échantillon n’aurait pas l’opportunité de bénéficier de ce service gratuit.
Pour que des données permettent aux structures concernées de corriger les erreurs, elles doivent être suffisamment détaillées (relevé d’un exemple d’erreur, explication de la réparation technique, etc.). De fait, on s’éloignerait alors de très loin du principe d’audit rapide.
C’est pourquoi Access42 a proposé que le choix de délivrer ou non les résultats soit laissé à la libre appréciation des États. Ceux-ci pourraient ainsi décider de l’opportunité de la transmission des résultats, qui dépendrait de la méthodologie choisie, de mécanismes de marché ou s’appuyer sur des processus particuliers.
Changement des tests d’un cycle de test à l’autre
De même, les contrôles demandés par la directive européenne se déroulent en cycle annuel. À l’issue de chaque année, chaque État publie un rapport.
L’annexe 1 demande que, d’une période de contrôle à l’autre, les tests sélectionnés pour la réalisation des audits simplifiés soient modifiés.
Pourtant, cette condition paraît contraire à l’établissement de statistiques qui permettraient de comparer, d’une année sur l’autre, l’évolution de la prise en compte de l’accessibilité numérique. Dans ce cas, comment comparer des périodes de contrôle entre elles si les tests réalisés pour mesurer la conformité ne sont pas les mêmes ?
Aussi, Access42 a donc proposé au contraire que les États établissent une liste de tests restreinte permettant les contrôles rapides. Ces tests seraient conservés d’un contrôle à l’autre.
Par ailleurs, il serait possible d’ajouter de nouveaux tests d’un contrôle à l’autre, mais ils ne le seraient qu’en complément de la liste restreinte établie initialement.
Conclusion
Access42 est une société française fortement impliquée dans le domaine de l’accessibilité numérique, il était donc important pour nous d’apporter nos retours et impressions sur ces actes, aux côtés de nos collègues européens.
L’un des objectifs de l’Union européenne est d’harmoniser les pratiques entre les États membres, ce qui est une bonne chose.
Mais il ne faudrait pas voir les efforts et les dispositifs déjà mis en place dans les États supprimer dans un souci d’harmonisation. Actuellement, la France utilise le RGAA 3 comme référentiel de tests pour évaluer la conformité d’un site. De la même façon, d’autres pays utilisent leur propre référentiel [3].
Or, on a pu lire dans certains commentaires aux actes d’exécution que ces différents référentiels aboutissent à des résultats différents. Il serait préférable que soit adopté un référentiel unique, permettant de garantir une évaluation uniforme, et que les différents référentiels existant actuellement, dont le RGAA, disparaissent [4].
Pour séduisante que soit la perspective d’avoir un référentiel unique, nous nous inquiétons du manque de robustesse d’un nouveau référentiel de tests, aux dépens du RGAA 3 qui a hérité des années de mise à l’épreuve du référentiel AccessiWeb (publié en 2010) et qui possède tout un écosystème de ressources associées à sa prise en main.
Néanmoins, nous sommes impatients de voir se mettre en place les contrôles des sites web et applications mobiles, qui s’apparentent à un observatoire de l’accessibilité numérique. Un projet d’une telle ampleur permettra de donner une vision globale et plus juste du réel niveau d’accessibilité des sites web (qui aujourd’hui n’est très souvent que supposé) à l’échelle européenne.
Il sera ainsi possible de mesurer l’impact de la politique d’accessibilité numérique en France et certainement d’encore mieux définir les dispositifs nécessaires pour améliorer l’accessibilité numérique.
Enfin, la directive européenne demande à ce que les applications mobiles soient accessibles. La transposition de ce point ne devrait certainement pas tarder en France, puisque l’article 106 de la loi République numérique [5] le prévoyait déjà.
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