Interview de Rocío Alvarado, spécialiste en accessibilité numérique chez Diamond Web Services (USA)

Pour célébrer la publication de la traduction officielle en français des WCAG 2.1, la norme internationale d’accessibilité numérique, nous avons souhaité donner la parole au comité de relecture et de validation avec qui Access42 a travaillé pour traduire la célèbre spécification du W3C.

Aujourd’hui, faisons plus ample connaissance avec Rocío Alvarado, experte senior en accessibilité numérique qui travaille à Montréal (Québec) pour la société américaine Diamond Web Services.

Access42 — Bonjour Rocío ! Pouvez-vous vous présenter s’il vous plaît ?

Rocío Alvarado — Je m’appelle Rocío Alvarado et je suis spécialiste senior en accessibilité numérique chez Diamond Web Services, une agence produit basée à Los Angeles. J’ai plus de 10 ans d’expérience en matière d’accessibilité.

Ma carrière a débuté en tant que développeuse web, mais je me suis rapidement trouvée attirée par l’accessibilité numérique lorsque j’ai participé à un audit d’accessibilité des 200 sites web les plus populaires au Québec en 2007.

Access42 — Cet audit d’accessibilité des 200 sites web les plus populaires au Québec a eu lieu il y a 15 ans déjà. Par rapport aux résultats de cet audit, quelles sont les évolutions majeures que vous avez observées depuis ?

Rocío Alvarado — Je n’ai plus accès aux résultats de cette étude, mais si je me fie à une autre étude faite en 2018-2019 par le Regroupement des aveugles et amblyopes du Montréal Métropolitain (RAAMM), il y a encore beaucoup de travail à faire. À la suite d’évaluations automatiques, 82,3 % des sites avaient une cote de faible à inutilisable. Ce n’est pas une évolution encourageante.

Access42Diamond Web Services a récemment publié un autre rapport, intitulé 2021 State of Accessibility Report. Quelles en ont été les principales révélations par rapport aux éditions 2019 et 2020 ?

Rocío Alvarado — Le rapport couvre la conformité de l’accessibilité des sites Web, tout comme en 2019 et 2020. Cependant, nous avons également inclus des tests d’applications mobiles en évaluant pour la première fois les 20 premières applications payantes et les 20 premières applications gratuites répertoriées sur l’App Store d’Apple et le Play Store de Google.

Nous avons constaté que des améliorations sont grandement nécessaires pour les sites Web en ce qui concerne le contraste des couleurs, le texte des liens/boutons et l’utilisation d’ARIA (code).

Pour les applications mobiles, nous avons appris que les applications gratuites étaient beaucoup plus performantes que les applications payantes. Dans l’ensemble, les applications ont obtenu de mauvais résultats en matière d’orientation et de redimensionnement du texte.

Access42 — Quelle méthodologie utilisez-vous pour concevoir ce type de rapport ?

Rocío Alvarado — Notre méthodologie comprend des tests manuels et automatisés sur des sites web et des applications mobiles, ainsi que des tests d’utilisation de lecteurs d’écran.

Access42 — Pourquoi avez-vous souhaité faire partie du groupe de relecture officiel de la traduction des WCAG 2.1 en français ?

Rocío Alvarado — C’est crucial que cette documentation soit traduite pour que le plus de personnes possible puissent l’utiliser.

C’était aussi une façon de m’initier au monde interne du W3C (World Wide Web Consortium).

Access42 — Comment la coordination de la traduction par Access42 a-t-elle facilité le travail du comité de relecture ?

Rocío Alvarado — Suivant une première ronde de commentaires par les participants de cette traduction, le travail de coordination a permis de bien résumer les points importants. Le suivi et la synthèse qu’Access42 a fournis ont énormément facilité les débats et l’arbitrage des différents points qui le nécessitaient.

Access42 — Pourriez-vous présenter brièvement l’état de l’accessibilité numérique au Québec et au Canada ?

Rocío AlvaradoAu Québec et au Canada, seulement les organismes gouvernementaux provinciaux et fédéraux sont assujettis aux normes d’accessibilité.

Au Québec, aucun mécanisme de validation ou de responsabilisation n’est en place pour assurer le respect des normes établies qui se reposent sur les WCAG 2.0 AA.

L’Ontario a une loi plus stricte (Accessibility for Ontarians with Disabilities Act), mais elle se repose également sur les WCAG 2.0 AA.

Access42 — En quoi cette loi est-elle plus stricte ? Y a-t-il des sanctions prévues ?

Rocío Alvarado — Si une entreprise ou un organisme ontarien a 20 employés ou plus, alors cette structure doit remplir un rapport de conformité tous les deux ou trois ans selon le type d’entreprise.

Ce rapport inclut toutes les dispositions prévues dans la loi, incluant la conformité au WCAG 2.0 A et AA des sites et contenus web. Des amendes pourraient être demandées si ce rapport n’est pas soumis. Voici toutes les informations pertinentes à ce sujet.

Cette loi oblige les entreprises à se responsabiliser. Ça ne change pas tout d’un jour à l’autre, mais au moins cela crée un précédent et facilite la conscientisation de l’accessibilité numérique dans les entreprises.

Sans une loi qui force les entreprises à faire ce qu’elles doivent faire, nous ne pouvons qu’espérer que l’inclusion numérique soit, un jour, prise au sérieux.

Access42 — Estimez-vous que le Québec et le Canada sont en avance ou en retard sur le sujet ? Pourquoi ?

Rocío AlvaradoLe Québec est en retard sur l’accessibilité numérique par le fait même que la version du WCAG de référence n’est pas à jour et qu’aucune loi n’est renforcée pour respecter ces normes.

Depuis le début de la pandémie et l’essor des entreprises qui promeuvent la diversité et l’inclusion, très peu d’entre elles ont des ressources dédiées à l’accessibilité numérique. En Amérique du Nord, les postes d’expert en accessibilité sont pour la plupart à Toronto et aux États-Unis. Un clair signe que nous sommes définitivement en retard.

Access42 — Selon vous, que faudrait-il faire évoluer pour que l’accessibilité numérique soit prise en compte de manière systématique et efficace ?

Rocío Alvarado — Il faudrait que les gouvernements créent des lois pour assurer que le Web soit une place d’inclusion. L’accessibilité devrait aussi être enseignée dans les écoles secondaires, collégiales et universitaires.

Access42 — Souhaitez-vous ajouter quelque chose, ou passer un message supplémentaire à propos de l’accessibilité numérique ?

Rocío Alvarado — Dans un monde de plus en plus numérisé, l’accessibilité numérique est un droit, pas un privilège.

À propos

  • Équipe Access42

    Access42 est un cabinet de conseil français spécialisé en accessibilité numérique. Ses services incluent des audits d’accessibilité (RGAA, WCAG, RAAM, norme européenne EN 301 549), de l’accompagnement personnalisé ainsi que des formations à l’accessibilité adaptées à tous les métiers du numérique.

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