Rédiger des documents collaboratifs avec un lecteur d’écran #4 : Google Docs, Framapad ou Word Online ?

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J’ai récemment publié plusieurs articles sur la rédaction de documents collaboratifs avec un lecteur d’écran. Chacun d’eux présentait une application : Google Docs, Framapad et Word Online. Alors, laquelle vaut-il mieux utiliser si vous-même, ou l’une des personnes avec qui vous travaillez utilise un lecteur d’écran ?

Suite aux tests réalisés sur ces trois plateformes d’édition collaborative, j’ai pu constater que les efforts d’accessibilité ont surtout pu être réalisés chez les deux géants : Google et Microsoft.

Framapad, moins efficace que ses deux concurrents

Framapad est une initiative très louable puisqu’elle est libre et que les données ne sont pas, a priori, la propriété d’une entreprise. Malheureusement, il est compliqué de s’en servir lorsqu’on utilise un lecteur d’écran puisque :

  • l’interface dispose de peu de raccourcis pour accéder rapidement à l’une de ses zones,
  • les commentaires et modifications des différents intervenants ne sont signalés que par la couleur,
  • et les mises à jour d’informations ne sont pas vocalisées par le lecteur d’écran.

De ce fait, Framapad ne permet pas de travailler aussi efficacement qu’avec les deux autres interfaces et demande, de la part de l’utilisateur de « tâtonner » sur toute la page pour accéder à la partie qui l’intéresse. Ces difficultés de navigation et d’accès à l’information ont pour conséquence qu’une personne souhaitant utiliser Framapad pour rédiger des documents avec d’autres ne sera pas aussi efficace.

  • Il n’est pas possible d’éditer les documents avec une application de bureau. Le fait de pouvoir éditer le document avec LibreOffice ou Office et de le synchroniser ensuite en ligne, pourrait permettre à l’utilisateur d’un lecteur d’écran d’intervenir sur le document sans passer par l’interface web, plus difficile à appréhender.
  • L’export dans d’autres formats tels que docx n’est pas disponible. Bien que la fonctionnalité soit présente dans les options d’export, l’utilisateur n’est pas averti que la conversion au format docx n’est pas possible. Il pourra donc être frustré, après avoir recherché cette fonctionnalité, de s’apercevoir qu’elle est inopérante.
  • La conversion en PDF ne permet pas de conserver la structure du document. Même si les bonnes pratiques pour créer un document accessible sont respectées par l’auteur·e du document, la conversion au format PDF rend donc cet effort vain.

Les deux autres interfaces, bien que plus accessibles, ont leurs avantages et leurs inconvénients.

Comparons les deux géants encore en lice

Points forts de Google Docs

  • La personne qui accède à Google Docs à l’aide d’un lecteur d’écran sait quel utilisateur modifie le document et où il se trouve par rapport à d’autres contributeurs.
  • La mise à jour se fait en temps réel et la sauvegarde au format docx est fiable. Cela permet à la personne qui utilise cette interface avec un lecteur d’écran de consulter la version du document enregistrée au format docx avec son traitement de texte de bureau habituel et de profiter de toutes ses fonctionnalités.

Points faibles de Google Docs

  • Les raccourcis sont complexes à mémoriser (ils sont souvent constitués de 5 ou 6 touches).
  • La synchronisation à partir d’une application de bureau n’est pas facile puisqu’elle dépend de l’installation d’une application tierce et non de l’édition du document dans un traitement de texte classique.
  • Il n’est pas toujours simple de naviguer dans la structure du document.
  • Le braille fonctionne bien sous Docs mais il n’est pas encore très opérationnel avec Sheets, le tableur de Google.

Points forts de Word Online

  • L’édition d’un document dans le navigateur et l’application de bureau est simultanée. La synchronisation des modifications s’effectue automatiquement sans devoir installer une application tierce. Cela laisse donc le choix à l’utilisateur de se servir de la version navigateur ou de la version de bureau qu’il maîtrisera mieux.
  • Les raccourcis clavier sont similaires à la version de bureau du logiciel et sont donc plus faciles à mémoriser.
  • Le braille fonctionne très bien également, mises à part les indications de fautes d’orthographe qui relèvent peut-être plus d’un problème de restitution du lecteur d’écran lui-même.

Points négatifs de Word Online

  • Comme sous Google Docs, il n’est pas possible d’utiliser les raccourcis du lecteur d’écran pour naviguer vers un titre donné en y déplaçant le curseur d’édition. La méthode alternative décrite dans l’article ne permet pas d’être rapide pour effectuer ces déplacements.
  • Il est difficile de visualiser les fautes d’orthographe et de s’y déplacer.
  • L’application n’indique pas exactement où se trouvent les différents contributeurs et ce qu’ils modifient dans le document.

En résumé

Récapitulatif des possibilités des interfaces collaboratives
Fonctionnalité Google Docs Framapad Word Online
Vocalisation des informations (mises à jour de contenus, modifications) Oui Non Partiellement
Raccourcis clavier Oui mais complexes Peu Oui, similaires à l’interface de bureau
Accès aux menus de l’interface Oui avec des raccourcis clavier Difficilement Oui avec des raccourcis clavier
Navigation dans le document Oui mais parfois compliquée Oui Oui
Accès aux commentaires et fautes d’orthographe Oui mais complexe Pas accessible Oui
Interface et braille Oui, avec des limites sur Google Sheets Oui Oui
Export dans d’autres formats HTML invalide, PDF non structuré, ePub semble fonctionner Docx impossible, PDF non structuré, pas d’ePub ni de HTML Oui (pas d’option ePub)
Édition avec un logiciel de bureau Oui mais complexe Non Oui
Vérificateur d’accessibilité Non Non Oui
Support utilisateurs Oui Non Oui

Conclusion

Ce comparatif montre que l’édition collaborative est possible lorsqu’on se sert d’un lecteur d’écran. Elle demande plus ou moins de manipulations par l’utilisateur selon l’interface. Néanmoins, elle permet le travail à plusieurs sur un même document. Étant accessibles par l’intermédiaire du navigateur, les interfaces d’édition collaborative peuvent être utilisées sous n’importe quelle plateforme et ne nécessitent pas forcément d’avoir installé le traitement de texte ou le tableur sur son ordinateur, son téléphone ou sa tablette.

Même si ces solutions collaboratives permettent la rédaction à plusieurs, elles sont moins pratiques que les logiciels de bureau pour une personne qui pilote l’ordinateur avec un lecteur d’écran. À moins de télécharger le document sur son ordinateur, de le modifier et de le reposter en ligne, une personne se servant d’un lecteur d’écran trouvera peut-être plus facile d’éditer son travail avec l’interface de Google si elle a installé les extensions appropriées, ou avec les outils de Microsoft qui permettent de modifier le document à la fois dans le navigateur et dans le traitement de texte tout en synchronisant les changements effectués.

Pour ma part, je trouve pratique d’utiliser Google Docs lorsque je rédige un texte en simultané avec d’autres personnes, puisque je sais ce que l’autre rédacteur est en train de modifier et où il se trouve. Mais si le document contient beaucoup de commentaires, je trouve l’interface en ligne de Google Docs peu pratique et je préfère enregistrer le document sur mon ordinateur afin d’utiliser un traitement de texte de bureau, beaucoup plus facile à piloter avec NVDA pour accéder à ces commentaires.

Même si l’interface de Google a beaucoup progressé pendant ces dernières années, que leur service de conseils aux utilisateurs handicapés est très réactif, j’apprécie la possibilité donnée par Microsoft d’éditer le document à la fois dans le navigateur et sur son logiciel de traitement de texte classique sans avoir à synchroniser les deux versions. Le vérificateur d’accessibilité d’Office est un vrai plus pour s’assurer qu’aucune erreur d’accessibilité n’existe dans le document.

Enfin, la navigation dans l’interface web de Microsoft ressemble à celle du traitement de texte de bureau. Si l’on ne souhaite pas rédiger un document en même temps qu’une autre personne, mais le consulter à un autre moment qu’elle, Word Online est tout à fait satisfaisant puisqu’on a accès au contenu de la plateforme web ou du traitement de texte sans manipulations supplémentaires.

Pour aller plus loin

Il existe une spécification concernant l’accessibilité des outils d’édition, en particulier ceux en ligne, intitulée Authoring Tools Accessibility Guidelines. En France, le Référentiel pour les outils de gestions de contenus a été développé pour évaluer si un outil est conforme à cette spécification.

À propos

  • Sylvie Duchateau

    Experte accessibilité numérique

    Sylvie Duchateau a travaillé au sein d’Access42 de 2014 à 2024 en tant que consultante en accessibilité numérique et formatrice. Aveugle, Sylvie a développé une véritable expertise dans la maîtrise des technologies d’assistance : c’est pourquoi elle animait notamment nos formations aux lecteurs d’écran. Sylvie a par ailleurs contribué à traduire en français les WCAG 2.0 et 2.1.

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