Coin lecture : 7 livres sur le handicap et le validisme

Survivre au taf : Stratégies d’autodéfense pour personnes minorisées de Marie Dasylva

Le livre Survivre au taf. Stratégies d’autodéfense pour personnes minorisées de Marie Dasylva, coach en stratégie au sein de l’agence Nkaliworks, est une ressource puissante pour aider les personnes minorisées à faire face aux micro-agressions et autres dénis de compétences, en particulier quand on n’est « ni blanc·he, ni homme, ni hétérosexuel·le, ni valide ».

Au programme : des méthodes d’autodéfense professionnelle et des retours d’expérience concrets, directs et passionnants à lire qui démontrent les nombreuses oppressions que le monde du travail contribue à perpétuer.

Marie Dasylva, elle-même concernée par le handicap, écrit à propos d’Emmanuelle, une de ses clientes malvoyantes :

« En Validie, nous sommes, nous handicapé·e·s, condamné·e·s à travailler dans une résilience toxique. Par exemple, exiger l’accessibilité ne sera pas vu comme une logique de bonne organisation mais comme de la faiblesse. (…) [Les valides] nous commandent d’accomplir l’exploit de s’adapter au fait qu’ils n’arrivent pas à prévoir nos existences. » (p. 95)

Chronique extraite du numéro 55 de notre newsletter.

Se rétablir de Lisa Mandel

Après sa série HP sur l’évolution des conditions de traitement dans les hôpitaux psychiatriques dans les années 1960 et 1970, Lisa Mandel a publié le premier tome de Se rétablir, une bande dessinée documentaire consacrée à la santé mentale, en donnant la parole aux personnes directement concernées.

Abordant avec humour le sujet, l’autrice dessine les témoignages de Franck, Chloé et Jonathan, trois personnes atteintes de différents troubles, depuis la découverte de leur neurodivergence jusqu’à leur acceptation.

L’autrice démontre que le rétablissement, à la différence de la guérison, est un concept selon lequel on peut mener une vie heureuse avec un trouble psychiatrique.

On découvre aussi qui sont les « travailleurs pairs » et leur rôle dans le processus d’acceptation.

Avertissement : bien que Lisa Mandel utilise l’humour pour illustrer ces histoires, cette lecture peut rester difficile compte tenu de la gravité des sujets abordés.

Chronique extraite du numéro 54 de notre newsletter.

Le Bruit des gens de Nikesco

Dans cette série BD en deux tomes Le Bruit des gens, Nicolas Combes alias Nikesco, sourd de naissance, dessine avec humour des situations de sa vie quotidienne et des quiproquos qui peuvent se former entre personnes sourdes et personnes entendantes.

« C’est très très calme chez vous ! Au départ, je craignais que vous fassiez des bruits sans vous rendre compte, en raison de votre surdité. »

« Hey ! C’est toi qui es malentendant ? Tu arrives à suivre notre conversation ? »

Ces situations cocasses, vécues par l’auteur et racontées avec légèreté dans ce tome 1, illustrent la maladresse et les négligences qui ponctuent ses rencontres et ses relations sociales.

Avec le recul nécessaire, Nikesco fait de chaque erreur un moyen de mieux agir et d’améliorer les rapports entre sourd·es et valides.

Dans le tome 2, Nikesco ajoute quelques conseils à destination des personnes entendantes, afin de les aider à mieux communiquer avec les personnes sourdes.

À noter : la publication de Dialogues de sourd, la nouvelle bande-dessinée de Nikesco, est sortie le 22 avril 2025.

Chronique extraite du numéro 53 de notre newsletter.

Le Cri de la mouette de Emmanuelle Laborit

Dans Le Cri de la mouette, récit autobiographique, Emmanuelle Laborit décrit le mur invisible qui la séparait du reste du monde jusqu’à ce qu’elle découvre et apprenne la langue des signes. Elle raconte ce que ça a changé pour elle, et comment cela l’a aidée à se construire.

Bien que le livre ait une trentaine d’années, ce récit reste bouleversant : il permet autant d’en apprendre plus sur les Sourd·es, que de comprendre l’importance d’avoir une langue pour pouvoir organiser ses pensées et communiquer avec les autres.

« Cette logique cruelle dure tant que les enfants sourds n’ont pas rencontré d’adulte sourd. Ils ont besoin de cette identification à l’adulte, un besoin crucial. Il faut convaincre tous les parents d’enfants sourds de les mettre en contact le plus vite possible avec des adultes sourds, dès la naissance. Il faut que les deux mondes se mêlent, celui du bruit et celui du silence. Le développement psychologique de l’enfant sourd se fera plus vite et bien mieux. Il se construira débarrassé de cette solitude angoissante d’être seul au monde, sans pensée construite et sans avenir. »

Chronique extraite du numéro 53 de notre newsletter.

Goupil ou face de Lou Lubie

Goupil ou face est une bande dessinée de Lou Lubie qui nous fait découvrir les troubles de la bipolarité et en particulier la cyclothymie.

Lou Lubie représente son trouble de l’humeur sous la forme d’un renard qui se transforme parfois en bête féroce. Elle décrit son parcours de combattante pour obtenir un diagnostic, puis pour apprendre à vivre avec son trouble de l’humeur.

« Les étiquettes, ça pèse un poids terrible. Parce qu’elles enferment. Elles stigmatisent. Mais elles définissent, aussi. Elles ouvrent des possibles. »

L’ouvrage est bien construit, entre histoire personnelle et vulgarisation scientifique. Le handicap n’est jamais présenté de manière réductrice.

« Au milieu d’une forêt d’ouvrages classiques traitant du sujet, voici une bande dessinée à la fois drôle, touchante, sérieusement documentée et intelligente sur le trouble bipolaire, écrite et dessinée par une jeune femme pleine de talent. »

Chronique extraite du numéro 47 de notre newsletter.

Babette, « handicapée méchante » d’Élisabeth Auerbacher

Babette, « handicapée méchante » est le récit d’une vie, celle d’Élisabeth Auerbacher, militante handicapée et avocate, mais également l’une des fondatrices du Comité de lutte des handicapés en 1973 et de son journal, Handicapés méchants.

Dans son livre, l’autrice décrit une vie entravée par une société inaccessible et discriminante, où la règle est d’infantiliser et regrouper les personnes handicapées entre elles, dans des institutions (« ces parcs à pitié ») où elles ne dérangeront pas.

Elle démontre aussi à quel point le handicap est un sujet absent des préoccupations des différents groupes militants.

« Le handicap est politique. Comme tel, il doit avoir sa place avec la lutte des femmes, la lutte des prisonniers, la lutte des immigrés. Ne quémandons plus, même pas des pensions ! Nous luttons pour notre vie. Nous luttons pour voir se concrétiser notre droit à la différence. »

« Notre bataille, c’est ne plus être soumis, c’est être ce que nous sommes sans avoir honte, c’est montrer la contradiction de cette société qui ne veut pas de nous, alors qu’elle fait semblant de faire quelque chose pour nous. »

Chronique extraite du numéro 35 de notre newsletter.

Je vais m’arranger : comment le validisme impacte la vie des personnes handicapées de Marina Carlos

Dans l’ouvrage autoédité Je vais m’arranger : comment le validisme impacte la vie des personnes handicapées, Marina Carlos explique la notion de validisme et ses conséquences concrètes sur le quotidien des personnes concernées.

Marginalisation constante, manque d’accessibilité, représentation dérisoire dans les médias, cet ouvrage démontre comment l’oppression des personnes handicapées est omniprésente, car systémique.

L’autrice aborde aussi le sujet de l’activisme antivalidiste en revenant sur les revendications portées par les collectifs engagés pour lutter contre ce fléau.

« L’accessibilité n’est ni un “effort” ni un “geste” envers les personnes handicapées mais une étape nécessaire destinée à corriger des politiques discriminatoires afin de construire une société juste. »

Marina Carlos porte un regard critique sur le dévoiement des luttes contre le validisme dans certains discours de sensibilisation à l’accessibilité :

« Il me semble incorrect de comparer les expériences discriminatoires que subissent les personnes en situation de handicap à des “difficultés” auxquelles les personnes valides peuvent être confrontées ici et là. »

Pour illustrer et renforcer ses propos, l’autrice a fait appel au talent de Freaks, artiste autodidacte qui lutte depuis longtemps contre le validisme.

Chronique extraite du numéro 30 de notre newsletter.