Transposition de la Directive européenne (UE) 2019/882 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services

L’État français a promulgué le 7 mars 2023 une loi transposant plusieurs directives européennes.

Cet article présente une revue de détail de l’adaptation du droit français à ces exigences.

La seconde partie analyse plus en détails son impact sur l’accessibilité numérique.

C’est l’article 16 [1] qui est chargé de transposer la directive européenne relative à l’accessibilité des biens et services [2].

À noter que toutes les modifications législatives prévues par cet article ont été réalisées, l’article initial a été mis à jour le 11 mars [3] pour renvoyer directement aux modifications elles-mêmes.

Résumé des exigences définies par la directive européenne

La directive européenne vise à créer les conditions pour que les produits et les services soient fournis à la condition qu’ils soient accessibles aux personnes handicapées.

Les exigences sont détaillées dans l’annexe I de la directive [4], en voici un bref résumé.

Les produits doivent :

  • être accessibles aux personnes handicapées ;
  • proposer les adaptations nécessaires à leur accessibilité ;
  • produire des informations (informations sur l’emballage, mode d’emploi, instructions…) accessibles directement sur la documentation fournie ou par un autre moyen comme un support numérique accessible par exemple ;
  • fournir des interfaces électroniques ou numériques accessibles lorsque ces dernières permettent d’utiliser le produit.

Les services doivent :

  • être accessibles aux personnes handicapées ;
  • fournir des informations sur le fonctionnement du service et veiller à ce que les produits nécessaires à l’utilisation du service soient accessibles ;
  • rendre les sites internet ou les applications mobiles qui y sont liés accessibles ;
  • pour certains types de services (communications électroniques et audiovisuelles, transports, livres numériques, services bancaires et commerce électronique), respecter des exigences complémentaires qui leur sont propres.

Organisation de la transposition

La transposition s’organise en deux étapes : la modification des textes de loi régissant les domaines visés par la directive et la rédaction des décrets en encadrant l’application.

Cette première étape consiste donc en la mise à jour de plusieurs textes de loi : loi nº 2005-102 du 11 février 2005, loi nº 2016-1321 du 7 octobre 2016, Code monétaire et financier, Code des transports, Code des postes et des communications électroniques et Code de la consommation.

Principales modifications législatives

Code de la consommation

Le nouvel article L412-13 du Code de la consommation (applicable au 28 juin 2025) :

  • instaure une obligation d’accessibilité pour tous les produits et services des opérateurs économiques, à l’exception des entreprises de moins de dix personnes qui fournissent des services et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas deux millions d’euros ;
  • détermine deux exemptions à l’obligation d’accessibilité :
    • lorsque la conformité a pour conséquence une modification fondamentale de la nature du produit ou du service,
    • lorsque la conformité impose une charge disproportionnée ;
  • précise que les opérateurs économiques devront effectuer une évaluation afin de déterminer si la conformité nécessite une modification fondamentale ou une charge disproportionnée ;
  • précise que, dans le cas où un opérateur économique perçoit des financements publics ou privés destinés à l’accessibilité, il ne pourra pas se prévaloir de l’exemption pour charge disproportionnée.

Le nouvel article L511-25-1 du Code de la consommation (applicable au 28 juin 2025) :

  • habilite aux fins de contrôle, en plus de la DGCCRF (Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes) :
    • pour les services de communications électroniques : l’ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse),
    • pour les services des éditeurs et des distributeurs de service de communication audiovisuelle fournissant un accès à des services de médias audiovisuels : l’ARCOM (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) – découvrir la méthodologie de contrôle de l’Arcom pour l’accessibilité numérique,
    • pour les services bancaires :
      • l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) et l’AMF (Autorité des marchés financiers) qui seront chargées de vérifier que les informations fournies au consommateur sont compréhensibles et que leur niveau de complexité n’est pas supérieur à un niveau ultérieurement fixé par un arrêté.

        Note : ce niveau de complexité fait référence à l’exigence de la directive de fournir des informations relatives aux services bancaires qui ne dépassent pas le niveau B2 du CECR (Cadre européen commun de référence pour les langues du Conseil de l’Europe),

      • la Banque de France qui devra s’assurer que les méthodes d’identification, les signatures électroniques et les services de sécurité et de paiement sont accessibles ;
  • autorise ces organismes de contrôle à disposer des pouvoirs nécessaires à leur mission, tels qu’ils sont définis dans le code de la consommation. Par exemple, la possibilité d’émettre des injonctions de mise en conformité (article L 521-1 ).

D’autres articles du Code de la consommation sont modifiés pour insérer les obligations d’accessibilité (applicables au 28 juin 2025) :

Loi n° 2005-102 du 11 février 2005

L’article 48 [5] (qui avait été abrogé en 2006) est rétabli et concerne désormais le livre numérique (applicable au 28 juin 2025).

Cet article :

  • stipule que les livres numériques et les logiciels permettant l’accès aux livres numériques doivent être rendus accessibles par les opérateurs économiques qui les fournissent, à l’exception des entreprises de moins de dix personnes qui fournissent des livres numériques ou des logiciels spécialisés et dont le chiffre d’affaires n’excède pas deux millions d’euros ;
  • précise que figurent au nombre de ces opérateurs : les éditeurs et toutes personnes qui proposent des offres de livres numériques ou qui sont associées à la distribution de livres numériques ;
  • détermine deux exemptions à l’obligation d’accessibilité :
    • lorsque la conformité a pour conséquence une modification fondamentale de la nature du produit ou du service,
    • lorsque la conformité impose une charge disproportionnée ;
  • précise que les opérateurs économiques devront effectuer une évaluation afin de déterminer si la conformité nécessite une modification fondamentale ou une charge disproportionnée ;
  • précise que, dans le cas où un opérateur économique perçoit des financements publics ou privés destinés à l’accessibilité, il ne pourra pas se prévaloir de l’exemption pour charge disproportionnée ;
  • précise que les opérateurs économiques doivent fournir aux personnes handicapées des informations concernant l’accessibilité de leurs produits ou services tels qu’elles sont définies dans l’annexe V de la directive européenne [6] ;
  • définit le rôle de l’ARCOM, qui devra s’assurer de l’accessibilité des livres numériques et des logiciels spécialisés, vérifier les évaluations réalisées par l’opérateur économique pour justifier le recours aux exemptions, s’assurer du suivi des plaintes, vérifier les mesures correctives prises par un opérateur économique.

L’article 47 a fait l’objet des modifications suivantes (applicable depuis le 11 mars 2023) :

  • la phrase précisant que les fournisseurs de services de médias audiovisuels sont redevables de leur propre législation est supprimée ;
  • dans l’article V qui détermine les dispositions prises par décret, il est fait désormais référence :
    • aux exemptions prévues par la directive (UE) 2019/882 relative à l’accessibilité des biens et des services. Elles ne diffèrent pas de celles déjà définies dans le décret 2019-768 de 2019 sauf pour ce qui concerne certaines dates qui font référence à la date d’entrée en vigueur de 2025,
    • aux mesures transitoires prises pour le mobilier urbain numérique, telles qu’elles sont définies par le nouveau cadre réglementaire qui voit certains de ces dispositifs bénéficier de délais spécifiques pour leur mise en conformité.

Code des transports

L’article L 1112-1 du Code des transports est complété par un alinéa qui dispose que (applicable au 28 juin 2025) :

  • l’accès aux services de transport de voyageurs aériens, ferroviaire, par autobus, autocar, métro, tramway et trolleybus ou par voie de navigation intérieure est assuré notamment par l’accessibilité des terminaux en libre-service, qu’il s’agisse des terminaux de paiement, d’information, d’enregistrement ou de distributeurs automatiques de titres de transport.

Code monétaire et financier

Plusieurs articles du Code monétaire et financier sont modifiés pour insérer les obligations d’accessibilité (applicable au 28 juin 2025) aux :

Code des postes et des communications électroniques

L’article L33-1 est modifié pour insérer les obligations d’accessibilité (applicable au 28 juin 2025) aux services à destination des utilisateurs sourds, malentendants, sourdaveugles et aphasiques.

Décrets et arrêtés

Six décrets et un arrêté vont encadrer l’application du nouveau cadre réglementaire.

Code de la consommation

L’article L412-13 fera l’objet de trois décrets :

  • un décret fixe la liste des produits et services redevables de la loi et les cas dans lesquels ces produits et services sont présumés conformes ;
  • un second décret détermine les obligations applicables aux opérateurs économiques concernés par l’accessibilité des produits et services qu’ils diffusent ;
  • un troisième décret détermine les critères et les conditions d’évaluation du caractère disproportionné de la charge.

L’article L511-2-1 fera l’objet d’un arrêté fixant la limite du niveau de complexité des informations fournies aux consommateurs.

Loi n° 2005-102 du 11 février 2005

L’article 48 sur le livre numérique fera l’objet de deux décrets :

  • un décret précise les cas dans lesquels un livre numérique ou un logiciel spécialisé sera présumé conforme aux règles d’accessibilité ;
  • un second décret détermine les critères d’évaluation du caractère disproportionné de la charge.

Code des postes et des communications électroniques

L’article L33-1 fera l’objet d’un décret fixant les conditions d’un usage raisonnable de l’offre à destination des utilisateurs sourds, malentendants, sourdaveugles et aphasiques.

Note : s’il est indiqué six fois que des dispositions feront l’objet de décret, certaines d’entre elles pourraient être regroupées dans un décret unique.

Habilitation donnée au gouvernement pour légiférer par ordonnance

Le VII de l’article 16 autorise le gouvernement à légiférer par ordonnance sur deux points :

  • renforcer les sanctions des manquements aux obligations prévues à l’article 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005. Note : L’article 47 de la loi de 2005 ne fait mention d’aucune sanction pour défaut d’accessibilité. La seule sanction concerne le défaut d’affichage du statut de conformité sur la page d’accueil. Le gouvernement pourrait donc légiférer sur une sanction pour défaut d’accessibilité ou augmenter le montant de la sanction administrative ;
  • renforcer l’accessibilité des services téléphoniques en instituant un régime de sanction et mettre en place une solution d’accessibilité téléphonique universelle.

Le gouvernement a six mois pour modifier la loi par ordonnance. Pour rappel, l’ordonnance est une procédure, autorisée par le parlement sur un sujet précis relevant de la loi, qui permet de ne pas suivre le parcours habituel de l’élaboration d’un texte de loi. Néanmoins, chaque ordonnance doit être ratifiée par le parlement qui peut la corriger, la modifier par ajout ou suppression de dispositions.

Délai de mise en conformité

Le VIII de l’article 16 définit des délais de mise en application de la loi :

  • les modifications apportées à l’article 47 de la loi de 2005 et à l’article 105 de la loi de 2016 sont applicables depuis le 11 mars 2023 ;
  • à partir du 28 juin 2025, tous les nouveaux produits ou services doivent être conformes aux obligations d’accessibilité auxquelles ils sont soumis ;
  • pour ce qui concerne un certain nombre de produits et services, des délais de mise en application sont définis :
    • les prestataires de services peuvent, jusqu’au 28 juin 2030, continuer à fournir leurs services en utilisant des produits qu’ils utilisaient légalement pour fournir des services similaires avant cette date,
    • les contrats de service conclus avant le 28 juin 2025 peuvent s’appliquer sans modification jusqu’à leur terme, et au plus tard jusqu’au 28 juin 2030,
    • les terminaux en libre-service peuvent continuer à être utilisés jusqu’à la fin de leur durée de vie économiquement utile et au maximum quinze ans à compter de leur mise en service,
    • l’accessibilité du numéro d’urgence européen intervient au plus tard en 2027.

Conclusion

La France avait initialement jusqu’au 28 juin 2022 pour réaliser cette transposition ce qui lui avait valu, à l’instar d’autres États membres, une lettre de mise en demeure adressée le 28 juillet 2022.

La transposition semble maintenant complète et conforme à ce qui est attendu par la directive européenne.

La prochaine étape consiste à élaborer les décrets sans lesquels la loi ne peut être appliquée, par exemple concernant la liste des produits et services concernés et les règles à utiliser pour attester de leur conformité.

L’autre point important est l’habilitation donnée par le Parlement au gouvernement pour légiférer par ordonnances afin de renforcer le régime de sanction concernant la téléphonie et, fait notable, les manquements aux obligations définies par l’article 47 de la loi de 2005.

Ce dernier point ne concernait pas la transposition de la directive elle-même et a été introduit dans la loi au moyen d’un amendement transpartisan proposé en commission paritaire lors de l’examen de la loi. Les associations représentatives ont depuis longtemps mis en avant la faiblesse du régime de sanction encadrant l’application de l’article 47 de la loi de 2005, elles ont été entendues, reste à voir ce que proposera réellement le gouvernement à ce sujet.

Dans la seconde partie de cet article, nous analysons plus en détails l’impact de la Directive européenne (UE) 2019/882 sur l’accessibilité numérique.

Si vous êtes arrivé·e ici par hasard, vous pourriez aussi apprécier notre série de 2 articles consacrés au décret sur l’accessibilité numérique, découvrir les obligations légales du schéma pluriannuel d’accessibilité numérique, ainsi que nos autres articles sur l’aspect juridique du RGAA.

Besoin d’aide avec la Directive européenne (UE) 2019/882 ?

Vous vous demandez comment la Directive européenne (UE) 2019/882 va impacter vos produits et services numériques exactement ?

Contactez-nous ! Nous sommes à votre disposition pour vous proposer un accompagnement dédié, avec une prestation entièrement personnalisée.

Nous pouvons aussi réaliser votre audit d’accessibilité numérique, votre schéma pluriannuel d’accessibilité numérique, mais aussi vous aider à monter en compétences grâce à nos formations à l’accessibilité numérique.

À propos

  • Jean-Pierre Villain

    Expert accessibilité numérique

    Jean-Pierre Villain (1961-2024) était expert accessibilité numérique senior et co-gérant d’Access42 de 2016 à 2024. Fort de plusieurs centaines de missions d’accompagnement, il gérait nos missions d’expertise les plus pointues. Il animait la majorité de nos formations techniques, dont nos formations au développement accessible et à l’audit RGAA.

Les commentaires sont désormais fermés, mais vous pouvez toujours nous contacter pour réagir à cet article !