L’Arcom et l’accessibilité numérique : quelles missions ?
Une Autorité en charge du contrôle de la bonne application de la loi
Depuis l’ordonnance du 6 septembre 2023 et la création de l’article 47-1 de la loi du 11 février 2005, l’Arcom est chargée du contrôle et du suivi de l’accessibilité numérique initialement confiées par décret en 2019 [1] au ministère chargé des personnes handicapées.
En effet, ce dernier n’a pas su ou pu assumer ce rôle, laissant le sujet en friche durant 4 ans. Cette inaction n’a fait qu’accentuer le retard de la France en matière d’accessibilité numérique.
Dans ce contexte, il est compréhensible que les attentes vis-à-vis de l’Arcom soient particulièrement élevées comme en témoignent les nombreuses questions que vous nous posez durant nos formations à l’accessibilité numérique.
En parallèle de la présentation du plan d’action de l’Arcom par Laurence Pécaut-Rivolier à A11y Paris 2024, nous avons interrogé les services de l’Arcom en charge du dossier « accessibilité numérique », qui ont pris le temps de répondre à nos questions et nous les en remercions.
Les missions de l’Arcom en matière d’accessibilité numérique
L’Arcom est chargée de veiller au respect des obligations légales d’accessibilité numérique définies dans l’article 47 de la loi du 11 février 2005.
Pour les acteurs publics (personnes morales de droit public ou de droit privé délégataires d’une mission de service public) :
- les obligations déclaratives (mention en page d’accueil, déclaration d’accessibilité, schéma pluriannuel de mise en accessibilité) ;
- la conformité aux exigences d’accessibilité.
Pour les acteurs privés (entreprises dont le chiffre d’affaires annuel excède 250 millions d’euros) : uniquement les obligations déclaratives.
À partir du 28 juin 2025, l’Arcom aura également pour mission de contrôler l’accessibilité des livres numériques, ainsi que – en lien avec sa mission historique portant sur l’accessibilité des programmes – l’accessibilité des services fournissant un accès à des services de médias audiovisuels.
Une approche graduée : sensibiliser avant d’intervenir
La question des sanctions pour défaut de publication et surtout pour non-conformité au RGAA est sans doute celle qui est la plus revenue lors de nos formations ou de nos réunions de restitution d’audits d’accessibilité.
L’Arcom adopte, sans surprise, une approche graduée pour ses interventions. Il s’agit d’une approche similaire à celle employée pour ses autres champs de compétences.
« Prévenir avant de sanctionner, telle est la mission de l’Arcom. »
L’objectif premier est bien de pousser à la mise en conformité [2].
L’Arcom peut ainsi :
- envoyer un courrier de sensibilisation pour rappeler ses obligations à l’entité ;
- si le manquement persiste, l’Arcom peut mettre en demeure l’entité de respecter ses obligations (décision qui est rendue publique). C’est une intervention juridiquement contraignante ;
- en cas de nouveau manquement, le directeur général de l’Arcom peut saisir le rapporteur indépendant qui peut décider d’engager une procédure de sanction. À l’issue de cette procédure, l’Arcom peut décider de prononcer une sanction.
Chacune de ces phases est l’occasion d’engager un dialogue avec l’entité responsable du service pour que des engagements concrets et réalistes soient pris sur un calendrier de mise en conformité.
Les types et les montants des sanctions sont variables et sont décidés, au cas par cas et selon les critères prévus par la loi [3], par le collège de l’Arcom.
Les sanctions pour défaut de publication et défaut de conformité sont par ailleurs cumulables.
Obligations | Acteurs publics | Acteurs privés |
---|---|---|
Obligations déclaratives (mention en page d’accueil, déclaration d’accessibilité, schéma pluriannuel de mise en accessibilité) | Sanction jusqu’à 25 000 € renouvelable tous les six mois en cas de persistance du manquement | Sanction jusqu’à 25 000 € renouvelable tous les six mois en cas de persistance du manquement |
Conformité au RGAA | Sanction proportionnée au manquement et d’un montant maximum de 50 000 €, renouvelable tous les six mois en cas de persistance du manquement | Non soumis au contrôle de l’Arcom |
Deux méthodologies de contrôle
Pour effectuer ses contrôles, l’Arcom a défini deux méthodologies complémentaires : les contrôles programmés et le traitement des signalements.
Contrôles programmés pour le secteur public
L’Arcom a mis en place des contrôles programmés de l’accessibilité des sites pour le secteur public.
Ces contrôles, qui concerneront plusieurs centaines de sites, seront réalisés jusqu’à la fin d’année 2024, sur un échantillon de sites représentatifs (différents échelons administratifs, diversité géographique, domaines variés), avec des audits partiels [4].
L’Arcom communiquera les résultats de ces contrôles à l’administration en charge de la rédaction du rapport détaillé de l’état de l’accessibilité en France [5], lequel devrait enfin être produit et transmis à la Commission européenne.
Traitement des signalements adressés à l’Arcom
Pour compléter ces contrôles programmés, l’Arcom s’appuie sur le traitement des signalements publics.
Il s’agit d’une méthode qui lui est familière, puisqu’elle s’appuie sur le même procédé pour ses autres missions.
Pour l’instant, il faut utiliser le formulaire de contact de l’Arcom et sélectionner l’option « Accessibilité RGAA » pour signaler un manquement au RGAA.
L’Arcom travaille conjointement avec des associations de personnes handicapées au développement d’un formulaire dédié, conçu pour être entièrement accessible [6].
Des moyens encore limités face aux enjeux
Pour mener à bien ses missions, l’Arcom dispose de moyens humains et financiers limités [7] qu’elle cherche à optimiser afin de maximiser son impact.
Lors de son intervention à A11y Paris 2024, Laurence Pécaut-Rivolier a ainsi invité les associations et les personnes handicapées à cibler en priorité les sites qui touchent le public le plus vaste.
La tâche est en effet colossale : l’Arcom estime le nombre de services numériques du secteur public à plusieurs dizaines, voire centaines de milliers. Pour le secteur privé, l’obligation légale concernerait environ 2 000 entreprises.
Pour l’instant, l’équipe restreinte [8] de l’Arcom effectue des contrôles manuels et se concentre en priorité sur les services qui manquent à leurs obligations de publication et qui n’ont pas amorcé de démarche de mise en conformité.
Parallèlement, afin de mieux répondre aux enjeux, l’Arcom cherche à s’outiller, ce qui est indispensable à cette échelle. Elle s’est rapprochée d’autres administrations en charge du sujet, notamment la DINUM, ainsi que ses homologues belges sur le volet tests automatiques.
Les modalités de cette automatisation doivent encore être affinées et ne sont pas connues à ce jour. On espère que l’Arcom sera en mesure d’en dire plus d’ici fin 2024 ou dans son rapport d’activité 2024.
Une mise en route encourageante
Alors que les personnes handicapées attendent depuis 2005 l’application de la loi et que le nombre de services numériques inaccessibles est toujours considérable, on ne peut qu’être frustré face aux moyens limités mis à la disposition de l’Arcom pour assurer ses missions, et déplorer le temps perdu.
Toutefois, ces moyens ne sont pas du ressort de la jeune autorité de contrôle qui a, elle, le mérite d’avoir accepté les missions confiées par le législateur, contrairement au ministère chargé des personnes handicapées.
La collaboration de l’Arcom avec les différents acteurs du domaine, au niveau national et européen est louable, tout comme sa volonté de transparence et son propre travail de mise en conformité. L’Arcom semble être à l’écoute et bien déterminée à faire respecter les obligations légales en matière d’accessibilité numérique.
Nous avons enfin notre première autorité de contrôle et c’est une excellente nouvelle ! Laissons-la prendre ses marques et cherchons à travailler avec elle.